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The Exorcist nous redonne la foi dans les remakes

The Exorcist nous redonne la foi dans les remakes

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Par Delphine Rivet

Publié le

The Exorcist, remake du film culte de William Friedkin, se frotte à deux obstacles majeurs : toucher au mythe au risque de le trahir, et faire de l’horreur après American Horror Story.

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Le chemin de croix

C’est la saison des remakes, avec une promo sur les films cultes. Tout doit disparaître : Lethal Weapon, lancée sur FOX il y a une semaine, Westworld, programmée sur HBO pour le 2 octobre (et le lendemain sur OCS City), Frequency, qui débarque le 5 octobre sur The CW…

Chacune de ces séries a la lourde tâche de transposer à la télé et, du moins elles l’espèrent, sur le long terme, des films cultes que le temps n’avait jusqu’ici pas égratigné. L’Exorciste, réalisé par William Friedkin en 1973, et écrit par William Peter Blatty (c’est son roman qui a inspiré le film), est un monument du cinéma qui a terrifié toute une génération de spectateurs.

Et, même si deux autres films et un prequel lui ont succédé, le premier opus reste un classique du cinéma d’horreur. Son adaptation télé tombe à pic, le parfait timing en pleine vague de remakes (mais est-ce qu’on a n’a pas droit, chaque année, à sa vague de remakes ?) et de séries horrifiques.

American Horror Story a ouvert la voie et a décoincé les chaînes, même les plus frileuses. D’abord sur le câble et chaînes assimilées, des séries comme Outcast ou Preacher ont donné leur vision de la possession démoniaque, avec un certain succès d’ailleurs.

Mais justement, passer derrière la reine en la matière, la gothico-trash American Horror Story, si bordélique soit-elle, n’est pas donné à tout le monde. Et l’on parle ici d’un remake, The Exorcist, diffusé sur un network, FOX.

Une chaîne qui, même si elle n’a jamais eu froid aux yeux, est tout de même à la merci de la FCC (Federal Communications Commission, sorte de CSA américain) et de ses règles strictes. On ne peut pas tout montrer à la télé. Alors forcément, une gamine qui se dévisse la tête sur son lit et vomit des insultes… ça va être compliqué.

La rédemption

On était méfiants à l’annonce de ce remake… C’est que l’expérience nous a donné raison par le passé. Les remakes, c’est casse-gueule. Tous les sujets ne s’y prêtent pas. L’univers de l’œuvre que l’on s’attache à reconstruire de toutes pièces doit être suffisamment expansible pour supporter la durée de vie d’une série, même si celle-ci ne devait se voir offrir qu’une saison.

Le choc des générations passe mal aussi parfois et l’on a vite fait d’oublier ce facteur essentiel : un film, un livre, un comics ou une série sont des Polaroid de leur époque et ne sauraient exister dans une autre époque.

Ces obstacles majeurs, The Exorcist (la série) parvient à les surmonter avec une aisance déconcertante. Jeremy Slater à la barre, et Rupert Wyatt derrière la caméra, réussissent leur pari. Le pilote transcende ce problème de générations en ne conservant que très peu de marqueurs de notre époque.

Quant au lourd héritage du film de William Friedkin, la série ne verse ni dans l’hommage dégoulinant, ni dans le pompage éhonté. Bien sûr, l’univers est familier et les personnages font écho au long métrage –deux prêtre, l’un (Alfonso Herrera), jeune, qui doute, et l’autre (Ben Daniels), plus expérimenté qui est fatigué d’avoir été le témoin de tant d’horreurs, viennent en aide à une famille de Chicago dont l’une des filles semble victime de possession démoniaque.

Qu’y aurait-il de plus à dire sur les attaques diaboliques ? The Exorcist tisse timidement, dans ce pilote, la toile de fond d’une famille au bord de la crise de nerfs. Une mère (Geena Davis), droite dans ses bottes, en vient rapidement à la conclusion que sa fille est habitée par le malin. Elle n’est pas folle, dit-elle, elle dirige plus de quatre cent personnes. Curieux argument qui nous fait alors encore plus douter de son état mental.

Le père, lui, est atteint de démence, avec de rares moments de lucidité. Réfugié dans son monde, il est déjà, lui-même, devenu une forme de présence fantomatique, toujours là, toujours muet et contemplatif. Et les deux jeunes filles, que cachent-elles ? L’aînée, qui revient de l’université, est affectée par une tragédie personnelle. L’autre semble vouloir faire tenir debout, à coup de bonne volonté, les fondations fragiles de ce foyer.

The Exorcist questionne autant la foi de ses deux prêtres, dont les convictions vont s’opposer, que la santé mentale des membres de la famille Rance. Et l’atmosphère visuelle y concourt totalement. Le pilote enveloppe de son brouillard les rues de Chicago et fait éclater les couleurs chaudes de Mexico où le père Marcus pratique un exorcisme sur un enfant.

La terreur, quant à elle, est (heureusement) au rendez-vous. Et pour l’instant, les limites qu’impose une diffusion sur un network ne se manifestent pas. Les images sont violentes, éprouvantes pour les âmes sensibles et la noirceur s’installe irrémédiablement durant les quarante deux minutes convaincantes de ce pilote.

The Exorcist doit encore prouver qu’elle peut se développer sur le long terme, et déjà, commencer à proposer des pistes pour l’après. Car, si saison 2 il y a, aura-t-on droit à un autre cas d’exorcisme ? On n’a peut-être pas de boule de cristal mais on peut d’ores et déjà recommander ce premier épisode, qui ne trahit jamais l’essence du film de William Friedkin et s’efforce de trouver son propre tempo sans brusquer les choses.