UnReal ou le piège de la deuxième saison

UnReal ou le piège de la deuxième saison

photo de profil

Par Marion Olité

Publié le

C’était l’une des sensations de l’été dernier. L’audacieuse UnReal, plongée dans l’univers impitoyable de la téléréalité, revient avec une saison 2 attendue. Verdict.

À voir aussi sur Konbini

Arrivée dans la moiteur de l’été dernier, au même moment que Mr. Robot, UnReal avait fait forte impression sur la critique, conquise par son ton satirique, ses personnages féminins dingues et attachants (incarnés par les excellentes Constance Zimmer et Shiri Appleby) et ses twists trash. Mais déjà, on pouvait reprocher à la série d’utiliser les mêmes recettes que l’industrie qu’elle dénonce, pour garder le spectateur accroché.

C’est encore plus flagrant en saison 2. Dans une mise en abîme peut-être inconsciente, Quinn explique dans l’épisode 10 à la jeune Madison pourquoi elle planifie un final explosif pour le dernier épisode de la téléréalité “Everlasting” qu’elle produit : “Nous avons une obligation envers nos spectateurs. On doit faire monter la tension, augmenter les enjeux, compliquer l’histoire.” 

Cette réplique peut être vue comme une justification de cette saison 2 par les créatrices. Car en théorie, elles ont suivi le manuel à la lettre, reprenant tout ce qui avait fait le sel de la première saison, et augmentant effectivement les enjeux dramatiques. Cette année, UnReal allait s’attaquer à la discrimination raciale, en particulier à la condition des afro-américains, en embauchant un prétendant noir, et en évoquant les brutalités policières, qui ont fait naître le mouvement “Black Lives Matter”.

Après le féminisme en saison 1, voilà un sujet passionnant, et brûlant d’actualité. Sauf qu’il est traité très maladroitement et de façon simpliste dans UnReal. Le prétendant, Darius Beck (B.J. Britt, sympathique mais pas franchement inoubliable), s’entiche d’une militante des droits des Noirs. Cette histoire d’amour, on n’y croit pas du tout. Un peu plus tard, la série met en scène une séquence de brutalité policière, finalement étouffée, et qui ne sert dans l’intrigue qu’à faire culpabiliser le personnage de Rachel. Il y avait tellement mieux à faire sur un sujet pareil.

Plus que jamais, UnReal se retrouve prisonnière de son concept, accrocheur mais vite répétitif. À l’image des productrices d’Everlasting, Marti Noxon et Sarah Gertrude Shapiro ont finalement pris très peu de risques cette année. Pas de nouvelle émission en vue pour Rachel et Quinn, même déroulé qu’une téléréalité (un épisode = une prétendante éliminée), des coups bas dans tous les sens, un climax (la fusillade) et pour enrober le tout, un final surprise auquel on a honnêtement un peu de peine à s’intéresser. Ce qui était frais et étonnant en saison 1 ne l’est plus.

“People want a shit show, litteraly” (Quinn)

À force d’utiliser les mêmes ficelles narratives que celles qu’elles sont censées dénoncer (bidule trompe bidule avec bidule, machin trahit machin puis fait volte-face sans raison, truc tue machin pour s’en sortir…), cette deuxième saison termine sa course dans un non-sens involontairement comique. Les personnages masculins, à l’origine des twists les plus catastrophiques, changent d’avis comme des pantins au gré des besoins scénaristiques.

Si c’est toujours drôle d’assister aux échanges musclés de Chet et Quinn (qui gagne toujours à la fin), force est de constater que les mâles manquent cruellement de profondeur dans le show. À peine sauvera-t-on Jay, le producteur un peu (beaucoup) naïf d’Everlasting, plus développé que la moyenne. Et que dire de Coleman (Michael Rady, qui fait ce qu’il peut), nouveau personnage masculin aux actions de plus en plus incohérentes au fil de la saison ?

Money. Dick. Power.

Heureusement pour elle, UnReal peut se reposer sur l’abattage de son duo féminin. Même quand elles sont servies légèrement côté scénario, Constance Zimmer et Shiri Appleby enflamment la pellicule. La saison commençait d’ailleurs sur les chapeaux de roue, quand les deux femmes se faisaient tatouer le fameux “Money. Dick. Power.” sur leurs poignets respectifs. Mais leur relation est trop souvent réduite cette saison à une succession de petites trahisons.

Quinn fait au moins face à de nouveaux enjeux de son côté (sa relation un peu bâclée avec Booth l’amène à poser la question de la maternité) quand Rachel fait du sur-place, naviguant entre dépression et manipulation avec moins de subtilité qu’en saison 1. Les scénaristes chargent encore la mule, lui attribuant pas moins de trois traumatismes (une tentative de viol, son implication dans la fusillade, son horrible secret de famille) en dix épisodes, ce qui tend à en faire une victime. Ce personnage fascinant, et son interprète, méritent mieux que ça. 

Alors on ne s’ennuie pas devant cette deuxième saison d’UnReal qui s’agite dans tous les sens, vite binge-watchée, malheureusement vite oubliée. Elle se termine par un plan symptomatique des ratés de cette saison. C’est un clin d’œil à la fin de la saison 1, qui s’achevait sur un intense face-à-face entre Quinn et Rachel, allongées sur des hamacs. Cette fois, le même plan inclut Chet et Jeremy en plus des deux femmes, car les quatre partagent maintenant un terrible secret. Aucun dialogue. Un choix qui s’explique facilement au vu du twist final aussi mauvais qu’improbable. Il n’y a rien à ajouter.

La saison 2 est un piège tendu aux showrunners, qu’il est bien compliqué d’éviter, en témoignent les difficultés de Sam Esmail sur Mr. Robot. Mais comme le dit l’adage, on n’apprend que de ses erreurs. Marti Noxon et Sarah Gertrude Shapiro ont fait quelques dégâts (scénaristiquement parlant), mais elles auront au moins une saison de plus pour tenter de se rattraper. Parce que si dans UnReal, “les gens veulent voir un show de merde, littéralement” (une réplique de Quinn dans “Friendly Fire”, constatant que les audiences d’Everlasting ont cartonné après qu’une candidate s’était fait dessus), ce n’est pas notre cas.