Coup de cœur websérie : Crime Time ou le Night Call brésilien

Coup de cœur websérie : Crime Time ou le Night Call brésilien

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Par Marion Olité

Publié le

Visible sur mobile via l’application Studio +, Crime Time nous plonge dans le quotidien ultraviolent d’une vedette de la télé brésilienne, qui a du sang sur les mains. Haletant. 

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Oubliez les préjugés que vous pouviez avoir sur le format des webséries (c’est cheap, mal joué, mal produit…). Le développement de plateformes dédiées sur Internet comme Studio 4 ou Arte Creative mais aussi de formats destinés exclusivement à une consommation mobile ont permis de voir émerger de petits bijoux tels que la brésilienne Crime Time. Les créateurs Aurélien Molas, Valentine Milville et José Caltagirone ne sont pas repartis de Biarritz avec le Fipa d’or du meilleur scénario 2017 pour rien.

Cette série digitale au format court (environ 12 minutes l’épisode) raconte la montée en puissance d’un flic banal, Antonio Padaratz (incarné avec justesse par Augusto Madeira), qui fait face chaque jour à la violence des quartiers de São Paulo. Il décide de “devenir quelqu’un” et de faire fortune en filmant les scènes de crime, sur lesquelles il arrive en premier en tant que flic. Une manne qui va lui permettre de devenir un présentateur télé à succès avec le programme sensationnaliste “Hora de Perigo” (“L’heure du danger”). On assiste alors, à la manière d’un Breaking Bad, à la transformation d’un mec normal en monstre.

Le crime paie

Ses méthodes sont inquiétantes – il débarque sur les lieux d’un crime avant la police, filme tout, interroge les proches de la victime avec grandiloquence – mais son succès indéniable. Via des flash-back, on en apprend plus sur la vie de cet homme ordinaire, à la fois touchant et flippant, qui a grandi dans la misère des favelas (ce qui explique en partie son insensibilisation à la violence).

Tournée en brésilien dans les quartiers déshérités de Sao Paulo, Crime Time bénéficie d’une réalisation coup de poing ultraréaliste, signée Julien Trousselier, et d’une photographie sombre et travaillée, digne des thrillers câblés à la HBO. Le réalisateur alterne intelligemment les plans tournés par la caméra de Tony, tremblants et effroyablement proches des victimes qu’il filme, avec ceux de la narration, inventifs et maîtrisés. Certaines scènes d’une horreur absolue marqueront les esprits : on pense notamment à celle de l’épisode 4, dans laquelle Tony filme en gros plan une femme en pleine agonie après une overdose, lui susurrant : “Allez ma belle, tout va bien, c’est bien“, jusqu’à sa mort… Glaçant. Là encore, on peut y voir un clin d’œil au Walter White de Breaking Bad, qui assiste à la mort par overdose de Jane, la petite amie de Jesse dans la saison 2. Un meurtre par omission, en somme.

À la manière d’un Night Call, le film dérangeant de Dan Gilroy qui mettait en scène Jake Gyllenhaal dans le rôle d’un charognard de l’information, la série interroge notre fascination pour le macabre, le sensationnalisme et dresse en creux le portrait d’une société malade, insensibilisée, gangrenée par la corruption et l’individualisme. Évidemment, le journalisme (et bien d’autres corps de métier) en prend pour son grade dans cette série “inspirée de faits réels”.

Intense, violente (âmes sensibles, s’abstenir), haletante, Crime Time a digéré ses références séries comme ciné (une autre scène évoque aussi Robert De Niro dans Taxi Driver), et s’avère d’une redoutable efficacité. Si on regrette que cette saison ne compte finalement que sept petits épisodes assez courts (10 à 15 minutes) quand on est habitué aux traditionnels 45 minutes-1 heure, ce timing resserré permet de tailler dans le gras et d’éviter les temps morts. Et que les fans se rassurent : la série aura droit à une saison 2, attendue en mai sur Studio +. Une troisième livraison est déjà en développement.

La série Crime Time est à découvrir sur l’appli mobile Studio+. Lancée par Canal+ le 25 novembre dernier, elle propose des séries digitales exclusives en plusieurs langues (dont la langue originale sous-titrée en français) et en format de 10 épisodes x 10 minutes. L’appli coûte 4,99 euros/mois, et permet aussi de télécharger à l’avance ses épisodes en mode hors-ligne.