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Westworld : l’histoire d’Akecheta en 12 plans sublimes

Westworld : l’histoire d’Akecheta en 12 plans sublimes

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Par Marion Olité

Publié le

“A flower growing in the dark”.

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On a souvent reproché à Westworld sa froideur. Cet univers aussi stupéfiant qu’artificiel, où s’exprime le pire de la nature humaine, semble souvent tenir l’émotion à bonne distance. Et pourtant. Après l’arc narratif autour de l’histoire tragique des protagonistes de Shogunworld, ce nouvel épisode, “Kiksuya” (qui signifie “se souvenir” en lakota, un langage sioux) vient à nouveau démontrer que cette série a du cœur et un sens artistique sans pareil. Réalisé par Uta Briesewitz, il est a priori centré sur un personnage secondaire, Akecheta (superbe Zahn McClarnon), le chef des effrayants guerriers de la Ghost Nation.

Retranché dans la forêt avec son armée et quelques otages humains, il décide de raconter son histoire à la fille de Maeve, qu’il avait embarquée avec lui dans l’épisode précédent, alors que sa mère était quasiment tuée par la sécurité du parc. Ces deux-là, on l’apprendra au fil de l’histoire, ont plus d’un point commun. Ils ont vite senti que quelque chose clochait dans ce monde. Et ils vont se souvenir plus vite que les autres de leurs anciennes vies.

Pour Akecheta, tout commence au sein d’un foyer chaleureux, ou règnent paix et amour. L’homme coule des jours heureux, avec sa tribu sioux et son amour, Kohana. “Take my heart when you go” (“Prends mon cœur en partant”), lui dit-elle en lakota (langage des natifs américains qui vivaient dans le nord et le sud du Dakota). “Take mine in its place” (“Prends le mien à la place”), lui répond-il. Des mots d’amour qui ne sont pas sans rappeler ceux qu’échangeaient Daenerys et Drogo dans les premières saisons de Game of Thrones.

Ce bonheur ne durera qu’un temps. Alors qu’il découvre le symbole du “maze” (labyrinthe), qui le fascine sans qu’il ne comprenne sa signification, Akecheta est reprogrammé en guerrier sanguinaire de la Ghost Nation. Mais cette vie de conquêtes et de scalps ne l’empêche pas de rester curieux, de sentir qu’on lui cache quelque chose, de chercher quelque chose… Ses balades finissent par le mener jusqu’à Logan Delos. En piteux état après avoir été envoyé par William, nu sur un cheval, dans les plaines de Westworld en fin de saison 1, il baragouine des mots insensés avant cette réplique qui marque à jamais l’androïde très curieux : “This is the wrong world*“. Avant d’ajouter qu’il doit y avoir une porte pour rejoindre le bon monde.

Au gré de ses pérégrinations, Akecheta, tel le personnage de Jim Carrey dans The Truman Show, va tomber sur un bout du parc où il voit une porte, et une partie de l’endroit où travaillent les employés de Westworld. On se demande d’ailleurs s’ils font bien leur boulot. Comment se fait-il que l’androïde ait réussi à galoper jusqu’à un accès qui devrait lui être interdit, sans que personne ne le remarque ? Un coup de Ford ou des scénaristes paresseux ?

Toujours est-il qu’entre-temps, on en prend plein les mirettes, à coups de paysages sublimés par des couchers de soleil et des dunes de sable hautement instagramables.

L’histoire d’Akecheta fait évidemment écho à celle de Maeve. Les deux robots semblent être les premiers du parc à se souvenir de leur première “vie”, et surtout des proches qu’ils aiment et qu’il leur faut protéger à tout prix : sa femme pour l’un, sa fille pour l’autre. Se glissant jusque dans son ancienne tribu, le guerrier retrouve Kohana, et réussit à éveiller sa conscience. Il la convint (certes, un peu vite…) de rejoindre sa quête : trouver la porte qui les mènera vers le vrai monde.

Coup de chapeau au chef de la photographie, Darran Tiernan, qui a travaillé avec Uta Briesewitz sur cet épisode, à la lumière particulièrement travaillée. C’est simple, cette saison, chaque nouvel épisode de Westworld semble surpasser visuellement le précédent.

Après que Kohana a été capturée par la sécurité du parc, Akecheta décide de tenter le tout pour le tout et se fait volontairement attraper aussi. Une fois dans l’antre, il profite d’un moment d’inattention de ses gardes pour se glisser dans les couloirs et finit par retrouver sa femme. Il découvre alors que lui et sa tribu ne sont que des marionnettes aux mains des autres (les humains).

On apprend au passage qu’il n’a pas été mis à jour depuis dix ans, ce qui fait de lui un “alpha”, c’est-à-dire qu’il a plus de chances de représenter un danger potentiel pour les humains et de s’éveiller lui-même. De nouveau rebooté et renvoyé dans le parc, l’homme retourne dans sa tribu, et raconte, preuve à l’appui, ce qu’il a vu. En plus d’être curieux, Akecheta ressent le besoin de partager ses découvertes. Il initie les guerriers de la Ghost Nation au maze.

Finalement, Akecheta rencontre son créateur, Ford. Ce dernier lui explique qu’il l’a créé pour “être curieux”, mais le maze ne lui était pas destiné. L’androïde a craqué tout seul “sa conscience”, en partie parce qu’il n’a pas été mis à jour pendant 10 ans. “You’re a flower growing in the dark**”, lui dit un Ford d’humeur poétique.

Prenons un moment pour admirer la composition de ce plan.

Le guerrier de la Ghost Nation en arrive au moment traumatisant vécu tant de fois, de façon différente, par Maeve et sa fille. “In this world, it’s easy to misunderstand intentions***”, lui explique-t-il. Il n’a jamais eu l’intention de leur faire du mal. Depuis le début, Akecheta voulait les aider, car la fillette avait eu la générosité de lui tendre la main dans le passé alors qu’il était blessé.

Cerise sur le twist : on comprend à la toute fin que Maeve elle-même pouvait écouter tout ce que l’androïde racontait à sa fille, ses années de souffrance, son éveil, son histoire d’amour contrariée… Notre chouchoute est cela dit un peu mal barrée. Si elle peut faire en sorte qu’Akecheta prenne soin de sa fille, elle-même est entre les mains de Charlotte Hale, qui a compris que Maeve possède un statut de “super admin” du parc et peut commander les hosts à distance, en passant par un “code anormal”.

Cet épisode, qui partait comme un “stand alone” isolé dans la mythologie de Westworld, est finalement tout sauf anodin. La trajectoire poétique et tragique d’Akecheta, illustrée par des plans d’une beauté formelle à couper le souffle, rejoint celle de Maeve et des grands questionnements de la série sur l’éveil de la conscience.

Si d’un côté, les pontes de Delos tentent de placer la conscience humaine dans un corps robotique pour accéder à l’immortalité, il semblerait que les androïdes accèdent naturellement à un éveil de leur conscience, à leurs souvenirs, si on les laisse vivre assez longtemps dans le parc, sans les mettre à jour.

En France, Westworld est diffusée sur OCS en US+24.

*”C’est le mauvais monde”.

**”Tu es une fleur qui s’épanouit dans l’obscurité.”

*** “Dans ce monde, il est aisé de se méprendre sur les intentions des gens”.