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Audra McDonald : “Le tournage de The Bite était vraiment très étrange”

Audra McDonald : “Le tournage de The Bite était vraiment très étrange”

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© Spectrum Originals

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Par Delphine Rivet

Publié le

Elle nous régale depuis 5 saisons de The Good Fight dans la peau de Liz Reddick, la voici face à des zombies dans The Bite.

Personne ne manie aussi bien la satire politique que le couple de scénaristes Robert et Michelle King. Leur dernière création en date, The Bite, est un savoureux mélange entre comédie, commentaire sur l’actualité et invasion zombie, le tout sur fond de pandémie de Covid.

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À l’occasion du festival Séries Mania, qui se tient à Lille du 27 août au 2 septembre, et où la série est présentée au Panomara International, nous avons pu rencontrer son actrice principale, Audra McDonald. Elle revient pour nous sur son travail avec le duo de showrunners, et sur l’expérience très singulière que fut le tournage de The Bite.

Biiinge ⎪ Comment êtes-vous arrivée sur ce projet un peu dingue ?

Audra McDonald ⎪ Je travaille avec Robert et Michelle King depuis cinq ans maintenant, sur The Good Fight. Avant ça, mon personnage avait été introduit dans The Good Wife. Je connais Christine Baranski depuis au moins 500 ans, mais ça, c’est une autre histoire.

On était donc en pleine pandémie, personne ne travaillait, on était confinés, et Brooke Kennedy, la productrice, ainsi que Robert et Michelle King, m’ont appelée pour me dire : “On a une idée un peu folle, est-ce que ça t’intéresse ? On te placera dans un appart, toutes les caméras seront installées, on fera un Zoom. Les costumes seront déjà sur place, il n’y aura personne d’autre avec toi donc tu mettras ton micro toi-même et tu te maquilleras toute seule.”

J’ai dit “OK”, on l’a fait, ils m’ont montré un premier essai monté avec quelques effets spéciaux et j’étais morte de rire ! Leur idée, c’était d’utiliser le genre de l’attaque de zombies pour raconter cette histoire, sous couvert de Covid, de filmer ça à New York, en toute sécurité, et d’utiliser des équipes locales, mais aussi de faire bosser les acteurs et actrices de théâtre new-yorkais·es qui étaient au chômage technique depuis les 18 derniers mois. Et en plus, ils m’ont annoncé que mon mari pouvait participer alors j’étais à 100 % partante ! [Son mari est l’acteur Will Swenson, qui interprète son amant à l’écran, ndlr.]

Ça a dû être une expérience assez cathartique ?

Oui, totalement ! Déjà, ça me donnait l’occasion de travailler à nouveau et de voir mes confrères et consœurs du théâtre via Zoom. Ça nous permettait de parler de ce qu’il se passait dans le monde. On a filmé pendant l’élection présidentielle, mais aussi durant l’attaque du Capitole. Donc, pendant qu’on tranchait des mains, qu’on transperçait des crânes ou qu’on arrachait des bras, le monde s’effondrait autour de nous. Le fait de pouvoir crier, rire aux éclats ou hurler, c’était très cathartique, ça m’a vraiment aidée à ne pas perdre la tête.

Il faut dire que les conditions de tournage étaient très particulières.

C’était très étrange, mais ça a aidé, finalement, pour ne pas devenir dingue parce qu’on se sentait tellement en sécurité. Par exemple, on a tourné dans ce petit immeuble typique de New York : au sous-sol, mon mari et moi on se préparait, juste tous les deux. On entendait l’équipe technique installer les caméras à l’étage du dessus, ensuite, ils allaient au sixième étage et quelqu’un nous criait : “Vous pouvez monter maintenant !” Quand on arrivait dans l’appartement, il n’y avait plus personne. C’était comme si on avait des souris dans le grenier, on entendait tout ce bruit et dès qu’on entrait dans le décor, c’était vide.

On avait juste un réalisateur ou une réalisatrice avec un masque et une visière de protection, avec nous, chaque jour pour nous donner quelques instructions. Donc c’était vraiment un tournage étrange. Et tous les autres acteurs et actrices filmaient depuis leur propre maison. On leur envoyait des caméras en kits, à installer seul·e·s. Et les instructions se faisaient via Zoom, “OK, mets un peu de poudre ici” ou “bouge un peu cette lumière vers ta droite”. D’une certaine manière, je suis heureuse qu’ils aient utilisé des acteurs et actrices de théâtre parce qu’on est un peu plus habitué·e·s à faire certaines choses nous-mêmes.

“La série de zombies permet de briser les règles”

© Spectrum Originals

Selon vous, quelle est la marque de fabrique de Robert et Michelle King ?

Quand The Good Fight a débuté, on partait dans une toute certaine direction : c’était juste avant l’élection de Donald Trump, et tout le monde pensait qu’Hillary Clinton allait gagner. Donc dès qu’il a été élu, Robert et Michelle ont dû prendre une décision ultra-rapide pour ajuster l’écriture. Ils ont ce talent pour s’adapter instantanément à l’air du temps. Je sais qu’ils arrivent toujours à suivre le chemin en zigzag qu’a pris notre pays ces dernières années, tout en restant pertinents. The Bite, elle, se moque de la façon dont les choses sont représentées. Par exemple, quand le gouvernement réagit face à ce virus, ils disent “et si on l’appelait SUN 9, ça sonne moins menaçant !”, ils mentent sur sa létalité, jouent sur l’ignorance des gens.

Les King se moquent de ça, et aussi de notre manière de communiquer essentiellement à travers des écrans. Ils le font en utilisant la comédie, comme cette fille obsédée par ses boutons qu’elle pense provoqués par le port du masque, ou les “room raters” qui jugent les intérieurs des gens même en pleine pandémie.

Il y a d’autres moments plus dramatiques, comme lorsque le seul moyen de dire adieu à un être cher, c’est à travers l’écran. Et tout ça, c’est la réalité dans laquelle nous vivons, il y a tellement de gens qui meurent de ce virus et qui ne peuvent pas être avec leurs proches. Les King n’ont pas peur de commenter ce type de choses, et le genre de la série de zombies leur a permis de briser les règles davantage qu’une fiction plus réaliste sur le Covid l’aurait fait.

Parlez-nous un peu de The Gilded Age, votre prochain projet avec Julian Fellowes, le scénariste de Downton Abbey.

C’est drôle parce que Christine Baranski fait partie du cast elle aussi, on dirait que je la poursuis de projet en projet, ou alors c’est elle qui, secrètement, m’embauche sur tous ces jobs, je ne sais pas [rires]. C’est une vision plus fidèle à la réalité, historiquement parlant, que ce qu’on a l’habitude de voir sur cette période.

Généralement, c’est très facile de glisser sous le tapis tout ce qu’il se passait avec la communauté noire en ce temps-là. On entend souvent des gens ignorants dire “Mais enfin, il n’y avait pas de Noir·e·s à cette époque”. On a toujours été là [rires] ! Ce que j’aime, c’est que Julian Fellowes a incorporé l’histoire et la culture des hommes et femmes noires du New York de 1880 – qui était une cité très vaste avec beaucoup de diversité – dans son intrigue.

J’ai tellement hâte que le monde voie The Gilded Age, c’est un grand drama en costumes. Et comme on a filmé ça avec toutes les précautions sanitaires encore en vigueur, entre nous, on l’appelait “Covid en corsets”.

Cette interview a été réalisée dans le cadre d’une table ronde au festival Séries Mania.

The Bite est une série Spectrum Originals qui n’a pas, à ce jour, de diffuseur en France.