Julie Delpy (On the Verge) : “J’ai matière à faire une deuxième et une troisième saison”

Julie Delpy (On the Verge) : “J’ai matière à faire une deuxième et une troisième saison”

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Par Marion Olité

Publié le

Rencontre avec la plus américaine de nos cinéastes françaises, Julie Delpy, qui se lance dans le game des séries.

De passage au Festival Séries Mania, où elle présentait On the Verge, dont la diffusion a débuté sur Canal+ le 6 septembre dernier, la cinéaste, actrice et maintenant showrunneuse Julie Delpy nous a accordé de son temps pour discuter de sa toute première série et de son état d’esprit, toujours en jet-lag entre LA et Paris. Après avoir cherché pendant quelques minutes dans la salle d’interview d’où venait une suspicieuse odeur de brûlé (“j’ai l’odorat très fin”, précise-t-elle, comme son alter ego fictif dans la série, la cheffe Justine, en plein désespoir dans un épisode après avoir perdu l’odorat…), elle se concentre à nouveau pour répondre à mes questions.

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Marion Olité | On the Verge est votre première série : qu’est-ce qui vous a poussée à tester ce format ?

Julie Delpy | C’était écrit comme ça. J’ai réfléchi, je voulais faire une série sur quatre copines qui vivent à Los Angeles avec leur mari, leurs enfants. Être une femme qui décide d’avoir un môme vers la trentaine, début quarantaine, c’est un peu tard, on a eu une vie bien pleine et puis hop, on décide de faire un enfant. Les choses changent, mais on est quand même déjà bien “formées”. J’avais envie de raconter cette histoire et, dès le début, elle a été pensée comme une série. D’ailleurs, j’aime les séries – pas toutes, mais il y en a certaines que j’aime beaucoup.

Vous brouillez les pistes du côté des genres : la trame de Yasmin, par exemple, lorgne du côté de l’espionnage, les quatre héroïnes vivent presque dans leur propre série…

Oui, chaque personnage a sa propre couleur, son propre ton. Elles sont amies mais, au final, assez différentes. Elles ont leur propre énergie et leurs propres problèmes. Leurs relations avec leur mari sont très différentes. Pour moi, c’est aussi une façon de les rendre excitantes à regarder, qu’on n’ait pas l’impression de voir quatre fois le même personnage.

J’ai plein d’amies, et j’ai toujours été marquée par le fait qu’on est très, très différentes dans nos approches des relations amoureuses, et en tant que mère. On n’a pas du tout la même manière d’élever nos enfants. C’est intéressant, parce qu’on possède des points communs sur plein de choses – l’énergie, les moments de rigolade –, mais pas du tout sur nos relations aux hommes et aux enfants.

Puis pour couvrir une saison, il faut avoir beaucoup de matière. Et là, j’ai matière à faire une deuxième et une troisième saison. Je ne sais pas si ça se fera, en revanche. Ce sont des personnages très riches. Quand je me projette sur la deuxième saison, il y a beaucoup de choses nouvelles qui vont arriver sur chaque personnage.

Donc vous envisagez une deuxième saison ?

Possiblement, on verra comment ça se passe. J’ai aussi plein de projets de films, donc je ne vais pas manquer de travail ! Mais ce serait rigolo d’en faire au moins une deuxième.

Pourquoi avoir choisi de faire de Justine, le personnage principal de la série, que vous incarnez, une cheffe qui évolue dans le milieu de la gastronomie ?

Je trouvais ça marrant de mettre en scène une nana dans cet univers très masculin, et qui arrive à bien le gérer. Et j’ai pu facilement m’identifier à ça, étant devenue réalisatrice à une époque où ça n’était pas évident de l’être, dans cet univers du cinéma, quand même assez masculin également.

Le contraste avec le fait qu’à la maison, cette cheffe renommée est une carpette avec son mec me plaisait. Dans sa vie professionnelle, cette femme a clairement les rennes en main, mais à la maison, elle est écrasée par un mec frustré, qui n’est pas toujours sympa, mais il est rigolo. On reste toujours dans une certaine légèreté dans la série.

“Je voulais tordre le cou à cette idée qu’une femme ne bouge plus passé 50 ans. Les choses bougent tout le temps.”

Je dois vous avouer que j’ai été un peu intriguée par le titre, On the Verge, si l’on prend en compte votre double nationalité, il veut dire des choses très différentes. C’est réfléchi de votre part, ou j’ai juste l’esprit mal placé ?

Alors, je l’ai choisi en anglais, et je n’ai pas vraiment pensé au double sens français [rires]. C’était un petit hommage au film de Pedro Almodóvar, Women on the Verge of a Nervous Breakdown (Femmes au bord de la crise de nerfs), en réalité. J’aimais bien l’idée. Il y a aussi ce côté de dire qu’elles sont sur “un point de basculement”, parce qu’on a tendance à penser qu’à 45 ans, 50 ans, les choses sont un peu installées et ça va rester comme ça. Et je trouvais que “On the Verge”, ça représente bien ces femmes qui sont à l’inverse de ce côté statique. Du jour au lendemain, tout peut basculer, dans le bon ou dans le mauvais sens. J’aime cette idée que les choses ne soient pas figées. Je voulais tordre le cou à cette idée qu’une femme – ou un homme, d’ailleurs – ne bouge plus passé 50 ans. Ça me semble terriblement limitant. Les gens tombent amoureux à cet âge aussi ! Je suis tombée amoureuse à 45 ans. Les choses bougent tout le temps. Il n’y a pas de finalité. Mon idée de l’humain, c’est qu’à 70 ans, à 80 ans, tout est encore possible.

Sur la thématique féministe, on peut déjà dire que mettre en scène quatre femmes ayant dépassé les 40 ans, c’est un statement, non ?

Moi, je l’ai fait naturellement, pas en statement. Je l’ai fait parce que c’est mon âge, et que j’ai plein d’amies, et qu’il leur arrive plein de choses, et rien ne s’arrête à 50 ans. Celles qui sont enfermées, elles étouffent et elles ont envie d’en sortir.

C’est sûr, c’est une évidence que c’est difficile – à part quelques exceptions – d’exister sur un écran quand on est une femme de plus de 40 ans. Mais les choses sont en train de changer. Il y a de plus en plus de scénaristes femmes, et elles ne vont pas toutes avoir 20 ans. Chaque personne a des choses intéressantes à raconter. Je ne pense pas que ma série ne va intéresser que les femmes de 50 ans non plus. De jeunes femmes et de jeunes hommes l’ont vue et l’aiment beaucoup.

Dans On the Verge, vous discutez de privilège blanc, l’enfant d’Anne est écrit comme potentiellement LGBTQ+. Ces questions liées au genre et au racisme ne sont pas du tout abordées de la même manière en France et aux États-Unis. Quelle a été votre approche ?

C’est quand même un show en anglais, qui va être diffusé aux États-Unis. Donc je voulais traiter de ces questions, mais de manière réaliste. Je ne voulais pas en faire un sujet dramatique. Donc c’est traité, mais comme le reste, dans la vie de tous les jours. Il y a le petit garçon qui est “efféminé”, c’est comme ça. La mère accepte, et le père est plus nerveux avec ça. Pourquoi ? On ne sait pas, c’est un mec ouvert, mais parfois, les gens ne sont pas aussi simples qu’il paraît.

Il y a aussi ce personnage de femme noire qui se sent un peu perdue. Elle est noire et d’origine perse, elle est un mélange de tout. Elle vit avec des Blancs, qu’est-ce qui la définit ? Elle se pose plein de questions. J’aime évoquer de genre de sujets, mais sans en faire non plus quelque chose de trop lourd. On reste dans la comédie, on garde une légèreté, même sur des sujets sérieux.

En visionnant votre série, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Sex and the City, dont on attend d’ailleurs la suite, And Just Like That… Mais je crois que votre inspiration va plus du côté de Larry David ?

Sex and the City, je ne l’ai jamais vue. Enfin, j’ai dû voir deux épisodes avec des copines il y a des années de ça. Je n’avais pas du tout accroché. Effectivement, parmi les séries que j’aime, il y a Curb Your Enthusiasm. J’aime aussi beaucoup les sitcoms comme Seinfeld, 3rd Rock from the Sun ou The IT Crowd. J’aime des choses très différentes, des séries plus sérieuses aussi, comme The Man in the High Castle.

Mais je n’ai pas vraiment pensé aux séries au moment de créer On the Verge. J’ai plutôt pensé à mon univers de films, aux Two Days (Two Days in Paris et Two Days in New York, sortis en 2007 et 2012), beaucoup plus qu’à des séries. Peut-être un peu Curb, que j’aime beaucoup. Il y a ces moments un peu gênants, ces situations malaisantes… Mais je suis un peu plus dans la réalité que lui, qui est dans un cadre très comédie et sitcom.

La première saison de On the Verge est diffusée sur Canal+, tous les lundis, depuis le 6 septembre. Elle sera diffusée sur Netflix dans le reste du monde.