On a rencontré Julia Roberts et Sam Esmail, un duo artistique inattendu qui fait des étincelles avec Homecoming

On a rencontré Julia Roberts et Sam Esmail, un duo artistique inattendu qui fait des étincelles avec Homecoming

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Par Marion Olité

Publié le

C’est l’histoire du coup de foudre artistique entre une Pretty Woman et un showrunner paranoïaque.

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Si on a parfois du mal à suivre la politique éditoriale d’Amazon Prime Video en matière de séries, la plateforme américaine s’est un peu fait une spécialité des séries d’auteur indé aux ambitions artistiques relevées. Après Transparent ou Mozart in the Jungle, elle a eu raison de faire confiance à Sam Esmail, le créateur de Mr. Robot, pour prendre les commandes de la réalisation des huit épisodes de Homecoming (une saison 2 est déjà en cours de production). Adaptée d’un podcast par ses auteurs, Eli Horowitz et Micah Bloomberg, cette nouvelle série est centrée sur Heidi Bergman, une assistante sociale et psychologue d’un nouveau genre, chargée de faciliter le retour à la vie civile de soldats américains, pour le compte d’un centre de soutien, baptisé “Homecoming”. L’histoire commence quand elle fait la connaissance du jeune Walter Cruz.

Dans le rôle principal, Julia Roberts, qui confesse avoir essayé quelques perruques différentes avant de trouver la bonne, prouve une fois de plus qu’elle est une grande actrice. Que ce soit au cinéma ou dans une série, une première pour elle.

“L’idée n’était pas de me demander si j’allais tourner dans un film ou une série, c’est le script qui me guide. J’aimais le travail de Sam, j’ai écouté le podcast et je l’ai adoré. Tous ces retours en arrière, ce suspens, le fait d’imaginer les scènes que l’on entend. Ce matériel original était très inspirant pour une artiste. Ça a commencé comme ça, en imaginant à quoi cela ressemblerait sur un écran.”

L’autre paramètre qui a convaincu l’actrice de se lancer dans la série, c’est son créateur, Sam Esmail, et sa vision précise concernant la réalisation et la direction d’acteur. Avec lui, Julia Roberts n’a pas eu l’impression de changer de méthode. Elle était face à une sorte de cinéaste. Et le courant est passé tout de suite :

“On s’est rencontrés et, instantanément, c’était un peu comme si nous étions des amis de 20 ans. Cela m’a paru très clair dès le début que nous allions faire une belle équipe, qui fonctionne. […] Sam est si clair quand il me parle. Je comprends tout ce qu’il dit et tout ce qu’il veut, ce qui n’est pas toujours le cas sur un plateau de tournage. Il a des idées, des pensées qui m’époustouflent. Quand il fait ça, ça fait tilt dans ma tête et je me dis : ‘Mais oui, pourquoi je n’ai pas pensé à faire ça ?!’ C’est tellement fun de bosser pour lui, parce qu’il est tellement… intelligent. Il m’a lancé des défis et j’ai pris beaucoup de plaisir à les relever.”

“On ne dirige pas Julia Roberts.”

Le coup de foudre artistique a été réciproque et sincère. On le ressent au-delà de l’exercice formaté des interviews à la presse (nous avons rencontré Sam Esmail et Julia Roberts à l’occasion d’une présentation à Londres des nouvelles séries Amazon, en octobre dernier). Ces deux-là échangent avec passion sur la série et sa fabrication et ont beaucoup de respect l’un pour l’autre.

“On ne dirige pas Julia Roberts, on la laisse faire et on tourne !, explique le réalisateur. Parce qu’elle est une telle actrice, mon job n’est pas vraiment de lui dire quoi faire. Il s’agit plutôt de discuter avec elle et de partager mes idées. Elle les fait vivre. La question n’est jamais de savoir si elle manque d’authenticité par exemple. On est sur des modulations. Quand on débute à un tel niveau, c’est génial parce qu’on peut se pencher sur tous les petits détails qui vont faire la différence et atteindre une texture riche.”

Le rôle de Julia Roberts est primordial, car elle incarne Heidi à deux moments de sa vie, très différents. Il y a cette femme super impliquée dans son travail, “puissante et déterminée” selon les mots de son interprète, qui rencontre Walter et va nouer avec lui une relation ambiguë et passionnante. Et il y a la Heidi un peu perdue, que l’on découvre aussi dès le pilote, dans une autre temporalité, quatre ans après les événements au centre de réinsertion des soldats. Elle est retournée dans sa ville natale, vit chez sa mère et est devenue serveuse. Une génitrice incarnée par rien de moins que Sissy Spacek.

“J’adore la relation qu’entretient Heidi avec sa mère, peut-être parce que je suis amoureuse de Sissy Spacek. Je la connais depuis mes 13 ans donc elle pourrait vraiment être ma mère [rires]. Tout le monde sur le plateau était très impressionné. On entendait des choses comme : ‘- Sissy est à 2 mètres de moi.’ ‘- Je sais, ne parle pas trop fort, elle est juste là !’ [rires]. Elle est incroyable, et si gentille. Elle nous a tous mis à l’aise.”

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70, années parano

L’un des points forts de Homecoming, c’est effectivement son casting sans fausse note. Aux côtés de monuments du ciné hollywoodiens, Julia Roberts et Sissy Spacek, on retrouve un habitué des séries, le toujours excellent Shea Whigham (“J’ai réalisé en découvrant la série au festival de Toronto qu’il vole toutes les scènes tellement il est brillant”, confirme l’actrice en plaisantant). Dans le rôle de Walter, le soldat torturé dont s’occupe Heidi, Stephan James (La Couleur de la victoire, Selma) est parfait. Un bon casting, c’est évidemment un excellent début, mais accompagnez-le d’un script brillant et de la mise en scène d’un Sam Esmail, et vous obtenez une série très très réussie.

Le premier tour de force du créateur de Mr. Robot a été de choisir un format de 30 minutes pour raconter un drame. Ce choix, intelligent car il rend la série oppressante comme jamais, il l’a fait en toute conscience. “Je me suis aussi dit que quand on fait une série sur deux personnes en train de parler, comme ici avec Heidi et Walter, ça peut devenir longuet de pousser des épisodes d’une heure. Une de mes séries préférées, c’est In Treatment. Dans chaque épisode, un thérapeute reçoit un patient différent. C’est du 30 minutes. Cet élément plus le matériel original en tête ont fait que je me suis dit : ‘Laissons cette histoire intacte’.”

Homecoming prouve qu’on n’a pas besoin d’épisodes à la durée allongée façon ciné (coucou Matt Weiner et ses trop souvent ennuyeux Romanoffs) pour installer un univers particulier. On connaît la science de la réalisation de Sam Esmail. L’homme s’est fait plaisir côté mise en scène, convoquant le souvenir des grands maîtres ciné du thriller parano des années 1970. “Quand j’ai écouté le podcast, j’ai été ramené, esthétiquement, vers ces vieux films que je regardais de façon obsessionnelle enfant, vers ces maîtres du thriller comme Hitchcock, De Palma ou Alan J. Pakula. Le podcast avait exactement ce ton un peu creepy, qui met mal à l’aise.”

Sam Esmail et Bobby Cannavale, qui incarne le boss de Heidi. (©Amazon Prime Video)

Ajoutez à ces plans inventifs une ambiance sonore ultratravaillée, à vous dresser les cheveux sur la tête, et vous aurez une petite idée du brio esthétique du show, qui se permet le petit luxe de passer en format carré quand on arrive sur les scènes au présent. La musique, c’est un élément qui obsède Sam Esmail.

“Elle agit comme un shoot d’adrénaline sur le cœur pour donner son ton à la série. Je n’ai pas embauché de compositeur sur Homecoming, car je voulais conserver une bande-son la plus authentique possible. Toute la musique que vous entendez a été élaborée à partir de partitions cultes de classiques ciné. Il y a beaucoup de Pino Donaggio, le compositeur de Brian De Palma. On a même utilisé l’une des partitions de Carrie dans un show où joue aussi Sissy Spacek ! C’est très méta [rires]. Sur le plateau, on a aussi passé la musique de Kulte, le thriller d’Alan J. Pakula pour que les acteurs ressentent l’ambiance.”

Voilà pourquoi la greffe a pris avec une actrice de cinéma du calibre de Julia Roberts. Lui-même passionné de cinéma, Sam Esmail connaît ses classiques, possède un univers très personnel et s’attaque à des sujets contemporains : les nouvelles technologies pour Mr. Robot, la place des vétérans dans la société américaine pour Homecoming, et la sensation de se faire avoir par le capitalisme et les grandes corporations privées dans les deux cas. “Je ne peux pas vraiment dire que j’ai travaillé à la télévision, confie Julia Roberts. Sam a vraiment fait en sorte que je travaille dans les mêmes conditions que si on avait été sur un plateau de cinéma. On a filmé les scènes en bloc, selon les lieux de tournage, donc vraiment comme si c’était un film. Je ne pense pas que j’aurais pu le faire autrement, si je ne suivais pas la vision d’un auteur aussi.” On vous parie qu’on retrouve ces deux-là sur grand écran dans quelques années ?

La première saison de Homecoming est disponible sur Amazon Prime Vidéo à compter du 2 novembre.