On a parlé contes, fantasy et jeux vidéo avec la Showrunneuse de The Witcher

On a parlé contes, fantasy et jeux vidéo avec la Showrunneuse de The Witcher

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Ⓒ Katalin Vermes/Netflix

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Par Adrien Delage

Publié le

Lauren S. Hissrich et le réalisateur Tomasz Bagiński racontent le travail d'adaptation réalisé sur la saga du Sorceleur.

Biiinge | Lauren, avant The Witcher, vous étiez scénariste sur Daredevil, The Defenders et The Umbrella Academy. Qu’est-ce qui vous attire autant chez les antihéros masculins, sombres et torturés ?

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Lauren S. Hissrich | Manifestement, je suis une personne très sombre (rires). Non, en toute honnêteté, j’adore les adaptations et j’aime par-dessus tout les œuvres qui ont déjà une fanbase aimante et enthousiaste. L’idée, c’est de transformer l’œuvre originelle vers un autre média. En tant que scénariste, c’est un projet galvanisant et challengeant, surtout dans le cas de The Witcher.

Quand on a écrit la série, on s’est posé les mêmes questions qu’un fan de la saga : est-ce qu’on préfère les livres ou les jeux vidéo ? Si tu es un fan de la franchise The Witcher, qu’est-ce que tu préfères à son sujet ? C’était un élément essentiel pour construire la série.

Biiinge | Quel était le rôle d’Andrzej Sapkowski sur la série ? Est-ce qu’il était très présent ?

Tomasz Bagiński | Nous étions constamment en contact avec lui tout au long du processus créatif. Il est également venu plusieurs fois sur le plateau de tournage. La plupart du temps, il lisait une version du script puis, nous en débattions. Mais la beauté du geste d’Andrzej Sapkowski vient surtout de la confiance qu’il nous a accordée. Il voulait que ce soit fidèle à ses romans, mais il souhaitait aussi nous laisser une part de liberté créative.

Je pense que c’est aussi une preuve de sa sagesse. Il a choisi les bonnes personnes, comme Lauren, pour adapter sa saga qui est une histoire incroyable. Et c’est sûrement la chose la plus importante qui soit.

Ⓒ Katalin Vermes/Netflix

Biiinge | Tomasz, vous venez du monde du jeu vidéo et vous avez notamment travaillé en tant qu’illustrateur et animateur sur les trois opus de The Witcher développés par CD Projekt. Comment cette expérience vous a-t-elle aidé à créer l’esthétique de la série ?

TB | Avant de lancer la machine The Witcher, nous avions pris une décision unanime : se concentrer uniquement sur le matériau de base, les livres, afin de ne pas faire une nouvelle version des jeux vidéo. Nous ne voulions pas copier le style singulier de ces derniers, et c’est pourquoi nous avons choisi une approche différente. 

Soyons honnêtes, les jeux vidéo sont exceptionnels, ils sont très bien faits et les gamers l’adorent. Mais quel aurait été l’intérêt de faire la même chose sur une série ? Personne ne l’aurait regardée, puisqu’il suffisait de jouer aux jeux vidéo pour profiter à fond de l’expérience.

Biiinge | Après le succès de Game of Thrones, de nombreux sériephiles voient en The Witcher le prochain gros hit fantasy du petit écran. Comment vous gérez ce genre de pression ?

LH | Je comprends votre point de vue mais pour moi, il n’y a jamais eu une forme de pression, uniquement de l’excitation. Au bout du compte, je me sens particulièrement fière de ce que nous avons accompli avec la série. L’équipe technique et les acteurs ont tout donné. Tout ce qu’on peut faire, tout ce qu’on peut contrôler, c’est d’offrir la meilleure adaptation possible aux fans et aux lecteurs de la saga.

Évidemment, j’ai l’espoir que la série deviendra aussi populaire que Game of Thrones. Mais il faut aussi savoir prendre du recul et relâcher la pression pour se dire : “je suis fière de ce que nous avons fait”.

“Tout ce qu’on peut contrôler, c’est d’offrir la meilleure adaptation possible aux fans et aux lecteurs de la saga.”

Biiinge | Andrzej Sapkowski a un style d’écriture singulier, notamment sur les deux premiers tomes de la saga. Il s’inspire des contes traditionnels comme ceux des frères Grimm ou de Blanche-Neige pour mieux les réinventer dans le contexte du Sorceleur. Est-ce un élément narratif que vous avez aussi insufflé à la série ?

LH | Tout à fait. C’était même une condition sine qua non de l’écriture car c’est ce que je préfère dans les livres. Andrzej Sapkowski multiplie les allusions aux contes populaires dans ses romans, dont les inspirations proviennent de ses nombreux voyages autour du monde. En les incluant dans la série, on avait la possibilité de rester fidèles aux personnages et à l’histoire ainsi que de respecter la tonalité sombre des livres.

TB | Les lecteurs retrouveront même dans la série des dialogues, des répliques, voire des monologues entiers qui viennent directement des romans. Le défi primordial, c’était de ne pas trahir l’esprit des livres.

Biiinge | La saga du Sorceleur rassemble des romans de l’époque médiévale, voire de dark fantasy, qui ont été écrits entre 1990 et 2018. Comment faites-vous pour moderniser le récit, notamment en rebondissant sur des sujets actuels de la société américaine ? Je pense en particulier à la représentation des personnages féminins comme Yennefer, qui est un protagoniste très sexualisé dans les livres.

LH | Je dirais que ce sont des sujets qui ne touchent plus seulement les États-Unis, mais le monde entier désormais. La fantasy a toujours été le reflet de notre société et c’est le point le plus intéressant, puisque je n’avais pas besoin d’incorporer plus de politique à l’écriture. Les livres sont politisés et on s’est rendu compte que, depuis les années 1990, le monde n’avait pas tant changé que ça. L’Histoire est comme un grand cycle éternel.

Du coup, les allusions à l’actualité étaient déjà présentes. Concernant les femmes, et Yennefer en particulier, ce n’était pas compliqué de les moderniser puisqu’elles sont déjà incroyablement puissantes et indépendantes dans les romans. Andrzej Sapkowski nous a toujours dit qu’elles n’étaient pas des personnages de fiction, mais bien des profils de femmes qu’il avait rencontrées au cours de sa vie.

La première saison de The Witcher est disponible en intégralité sur Netflix.