Gregg Araki : “Now Apocalypse, c’est comme un bonbon, avec beaucoup de sexe”

Gregg Araki : “Now Apocalypse, c’est comme un bonbon, avec beaucoup de sexe”

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© Starz

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Par Delphine Rivet

Publié le

Biiinge a rencontré l'équipe derrière Now Apocalypse, la série pop et sexy sur fond de fin du monde.

Dans le cadre du festival CanneSéries, qui s’est tenu du 5 au 10 avril, la chaîne Starz a présenté au public sa dernière création en date, la vibrante Now Apocalypse. Le pitch est simple : une bande de sexy millenials, qui tentent d’exister à Hollywood, découvrent une potentielle conspiration alien annonçant la fin du monde.

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Cette ode à la jeunesse, qui est aussi une lettre d’amour à la ville qui lui sert de décor, Los Angeles, est la première série co-créée par Gregg Araki, épaulé dans sa démarche par Karley Sciortino, chroniqueuse sexo et fondatrice du site Slutever. Nous avons pu rencontrer les deux showrunners, ainsi que trois des membres du casting de Now Apocalypse : Kelli Berglund, qui joue Carli, Roxane Mesquida, l’interprète de Séverine, et Beau Mirchoff, qui incarne Ford.

Après des années à écumer les plateaux de cinéma, le réalisateur californien Gregg Araki, a voulu s’essayer à un autre exercice. Attiré par le petit écran, il a d’abord fait ses armes derrière la caméra.

“J’ai appelé ça ‘aller à l’école de la télé parce que j’apprenais vraiment tout de la fabrication des séries et du métier de showrunner. Et j’ai bossé avec les plus brillants showrunners du moment, comme Roberto Aguirre-Sacasa de Riverdale, John Ridley d’American Crime et Greg Jacobs de Red Oaks.

C’est tellement de boulot de faire une série que je me suis dit que si je devais en faire une, ce serait de faire la série de mes rêves. C’est comme ça qu’est née Now Apocalypse. Je voulais des épisodes de 30 minutes max, et Los Angeles pour décor, avec tous mes thèmes habituels : de jeunes gens, beaucoup de sexe, une sorte de menace d’apocalypse émanant d’une conspiration alien.”

Starz était l’endroit tout indiqué pour ce genre d’expérimentations. La chaîne de Spartacus et Outlander n’est pas réputée pour sa pudeur, et Gregg Araki et Karley Sciortino ont eu le champ libre. Les personnages qu’ils ont imaginés, Ford, Séverine, Carli et Ulysses, ne connaissent donc aucun interdit dans l’exploration de leurs sexualités. Cette série, Araki a attendu 20 ans pour la faire :

“On a eu tant de liberté, et c’est génial pour moi en tant qu’artiste de pouvoir déverser, dans ces 10 épisodes, tout ce que j’ai toujours voulu voir dans une série. Ça faisait au moins vingt ans que je voulais faire une série télé. […] Je voulais vraiment faire de cette série une expérience pop et fun. C’est comme un bonbon, il y a toutes ces couleurs vibrantes, les gens sont beaux et il y a beaucoup de sexe.”

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Si les chaînes câblées ont tendance à facilement tomber dans l’exploitation des corps (surtout féminins) à des fins purement commerciales — le sexe fait vendre, le male gaze aussi — Now Apocalypse met le paquet sur la nudité et le sexe, mais elle en fait son principal attrait. Et tout son discours s’organise autour de la façon qu’elle a de montrer la quête de jouissance de ces jeunes gens, beaux et insouciants.

Un personnage en particulier subit plus la quête des autres qu’il ne la recherche lui-même. Ford, le copain très beau, un peu benêt et désespérément en demande d’affection de Séverine, n’a d’autre préoccupation que de satisfaire sa belle frenchie, quitte à y laisser des plumes.

Gregg Araki : Je crois qu’étant queer, ma caméra a tendance à objectifier les personnages masculins. Pour ce qui est de Beau, en particulier, il y a quelque chose d’assez méta. C’est un hétéro ridiculement gay, c’est comme ça que je l’ai écrit. Il s’habille comme un homme gay, mais il est désespérément hétéro. C’est un peu la blague visuelle de la série.

Karley Sciortino : C’est presque une parodie d’objectification, c’est tellement débile et flagrant que ça moque l’idée même de la “friandise homo-érotique”.

Avec son site Slutever, qui lui a inspiré une mini-série documentaire du même nom en 2012, Karley Sciortino est la “sexperte de la série” comme l’appelle affectueusement son partenaire d’écriture.

“Je suis une millenial, principalement hétéro, féministe et j’écris depuis tellement longtemps sur les sexualités que j’ai l’impression d’avoir accumulé toutes ces expériences bizarres que j’attendais juste de pouvoir utiliser. J’ai voyagé dans le monde entier, j’ai visité les donjons les plus étranges, j’ai fait des recherches qui m’ont amenée dans des “sex parties” hallucinantes…”

Gregg Araki : C’est un boulot difficile, mais il faut bien que quelqu’un s’y colle ! [rires]

Karley Sciortino : J’ai rencontré tellement de gens différents, et notamment, pour un article sur mon site Slutever, des couples en “relation libre”, et j’ai pu étudier le rapport qu’on entretenait avec la jalousie par exemple, les règles, leur ouverture d’esprit et comment ils/elles négocient les limites. Ça m’a beaucoup servi pour la série.

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Le sexe, dans Now Apocalypse, se nourrit des expériences de sa co-showrunneuse. Il marque un dialogue, une zone d’échange, entre les personnages. Les scènes sont graphiques, souvent loufoques, et le plus souvent positives. Pour ses jeunes acteurs et actrices, le défi n’était pas là où l’on l’attend.

Kelli Berglund : Je crois qu’elle ouvre la voie, ça crée le débat. J’étais intimidée, je n’avais jamais fait ça avant.

Beau Mirchoff : C’est pas tellement le contenu qui m’inquiétait mais plutôt ma capacité à être à la hauteur.

Roxane Mesquida : J’ai déjà travaillé avec Gregg avant, donc je savais dans quoi je mettais les pieds. Pour être honnête, comment peut-on en avoir peur ? C’est produit par Soderbergh, et c’est écrit et réalisé par Gregg Araki ! Il n’y a rien à craindre. J’ai dit oui avant même de lire le script ! Il écrit toujours des personnages féminins si forts et si puissants.

Pourtant, en ces temps de libération de la parole post-MeToo, un voile de suspicion pèse sur les coulisses de certaines productions. Des actrices (mais aussi, évidemment, des acteurs) découvrent qu’elles ont le droit de dire non, d’exprimer leur inconfort sur des scènes de sexe.

HBO s’est mis à recruter des coachs d’intimité sur leurs séries pour que les gens se sentent à l’aise, et aussi, ne soyons pas naïfs, pour se protéger d’éventuels cas d’abus qui mettrait en péril leurs productions. Donc, même si Now Apocalypse a une approche très positive du sexe, on a voulu savoir si son cast aurait aimé avoir ce genre d’assurance sur le plateau. Leur réponse fut unanime.

Beau Mirchoff : Je ne peux parler que pour moi mais non, je n’en ai pas besoin. Je suis un être humain autonome, je sais ce qui me met à l’aise ou non, je peux m’exprimer quand ça ne va pas. C’est une série, on s’amuse et je suis respectueux. C’est pour de faux ! J’imagine que si on avait eu un showrunner un peu gênant ou des acteurs douteux, alors OK, un coach en intimité aurait pu être utile. Mais c’est pas le cas.

Roxane Mesquida : Pour moi, je crois que ça rendrait les choses encore plus inconfortables, d’avoir cette personne entre moi et le réalisateur. On fait de l’art, et on recherche cette connexion avec le réalisateur ou le showrunner. J’ai le sentiment que ça viendrait s’interposer entre nous.

*Ces interviews ont été réalisées à CanneSéries dans le cadre de tables rondes.

Now Apocalypse est actuellement en cours de diffusion sur Starz aux États-Unis, mais est encore inédite en France.