Si vous avez aimé Channel Zero, vous aimerez la flippante Monsterland

Si vous avez aimé Channel Zero, vous aimerez la flippante Monsterland

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Par Delphine Rivet

Publié le

Vous ne devriez pas passer à côté de cette fascinante série, disponible sur Salto, et on vous dit pourquoi.

Anthologie d’horreur créée par Mary Laws (scénariste sur Preacher) et inspirée du recueil de nouvelles North American Lake Monsters: Stories de Nathan Ballingrud, Monsterland devrait ravir les fans de contes macabres façon “creepy pasta”. Lancée en octobre 2020 sur Hulu, elle a débarqué, dans la plus grande discrétion, sur la plateforme Salto au début du mois de février. On n’a pas résisté à l’envie de vous faire découvrir cette pépite à l’ambiance glauque qui questionne les fondements même de notre humanité. Ça vous rappelle Channel Zero, autre merveille du genre ? Nous aussi.

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Eugene dans l’Oregon, Port Fourchon en Louisiane, Palacios au Texas… les huit épisodes qui composent cette première saison de Monsterland nous font traverser les États-Unis en long, en large, et dans tous ses travers. Chacun contient une histoire indépendante (même si des passerelles peuvent exister entre eux), au contraire d’American Horror Story, qui a remis le genre au goût du jour et dont l’intrigue court sur une saison complète. Si on la compare plutôt à Channel Zero, c’est parce que la peur est ici un voile qui, une fois levé, révèle des angoisses plus existentielles qu’horrifiques. Une tendance qui ne manque pas d’intérêt puisqu’elle réoriente notre attention sur le discours tapi entre deux giclées de sang ou d’attaques de démons. Dans les années 1960, Rod Serling interrogeait déjà, non sans un certain cynisme, la monstruosité qui se cache en chacun·e de nous, avec The Twilight Zone.

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Monsterland nous immerge dans des fragments de vie d’Américain·e·s moyen·ne·s, pour la plupart, des martyres du capitalisme yankee. On les rencontre à un moment charnière de leur existence quand ils et elles sont au plus bas. C’est dans cette noirceur, dans ces moments d’intense désespoir, que viennent se glisser les créatures cauchemardesques qui composent le bestiaire de la série. Car à la racine du mal, gît une question fondamentale : comment des personnes ordinaires peuvent-elles être conduites à commettre les pires atrocités ? Comme le promet le poster officiel, Monsterland nous force à regarder dans le miroir. Notre cerveau biberonné aux films et séries d’horreur est tellement bien entraîné qu’il va voir des créatures qui changent de peau, des ombres dans un coin de la pièce et autres manifestations surnaturelles… autant de métaphores de notre propre monstruosité.

C’est en tout cas le parti pris de la série, qui se charge de disséquer l’âme humaine jusqu’à en extraire ses atomes les plus noirs. On ne naît pas mauvais·e. Et les infortuné·e·s protagonistes de ces histoires ne sont pas non plus d’horribles personnes. Ils et elles ont fait des choix, parfois poussé·e·s par les circonstances, et leur culpabilité se manifeste sous forme de monstres. Tout l’enjeu de chaque épisode est alors de découvrir ce qui a provoqué ces apparitions. Qu’a donc pu faire ce personnage, pour qui j’ai développé de l’empathie en quelques dizaines de minutes à peine, pour être hanté à ce point ? Ai-je, sans le savoir, de la sympathie pour le Diable en personne ? Et qu’est-ce que cela dit de moi si j’estime que ses décisions n’étaient pas si déraisonnables que ça ?

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Chaque épisode prend la forme d’une vraie introspection. Au-delà de l’horreur, ils nous confrontent à des situations souvent ordinaires. Ils se déroulent aux quatre coins des États-Unis, et chacun d’entre eux a pour titre le nom de la ville dans laquelle il se déroule. Tout un symbole. C’est l’Amérique profonde (à l’exception de La Nouvelle-Orléans ou New York), celle des fusillades dans les lycées, du difficile accès à l’avortement, celle des puissants qui écrasent les plus fragiles, celle où se soigner est un luxe… L’American dream reste un mythe et, à bien y regarder, ce pays a quelque chose de monstrueux.

On y croise une jeune mère célibataire – incarnée par la fabuleuse Kaitlyn Dever qui nous avait retourné le cœur dans Unbelievable – ayant du mal à joindre les deux bouts et gérant seule l’éducation de sa petite fille, atteinte de graves problèmes comportementaux. On s’attache aussi à Nick (Charlie Tahan d’Ozark), un ado solitaire qui a lâché l’école pour s’occuper de sa mère lourdement handicapée après un AVC. Pour le reste du casting, on croise aussi bien Taylor Schilling (Orange is the New Black) que Mike Colter (Luke Cage) ou encore Nicole Beharie (vue dans Black Mirror) et Kelly Marie Tran (de la dernière trilogie Star Wars). Ancrée dans la réalité, Monsterland nous parle d’humanité, de désespoir, de rage, de secrets enfouis, de culpabilité, de résignation. Contrairement à ce que peut nous laisser espérer un bon film d’horreur, il n’y a pas de “final girl” ici : personne n’échappe à ses propres démons. On vit avec ou on y laisse sa peau.

Les huit épisodes de la saison 1 de Monsterland sont à découvrir sur Salto.