Cheer, ou l’envers du décor des championnats de pom-pom girls

Cheer, ou l’envers du décor des championnats de pom-pom girls

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Par Delphine Rivet

Publié le

La série documentaire de Netflix qui met au tapis les clichés sur le cheerleading.

C’est la tête pleine d’a priori que j’ai lancé, il y a quelques jours, la dernière série documentaire de Netflix qui excite les réseaux : Cheer. Brutale et prenante, elle suit, durant six épisodes, une troupe de jeunes cheerleaders en pleine préparation pour le championnat de Daytona, en Floride. Et rien ne laissait soupçonner la fascination qu’exerceraient sur le public ces gamin·e·s au mental d’acier et au corps cassé.

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Il faut dire que la discipline se trimballe toute une mythologie, bien ancrée dans la pop culture et liée aux campus américains qui l’ont vue naître. Un côté carte postale qui les réduit souvent, dans l’esprit collectif, à une bande de filles ultrasexualisées au sourire exagérément figé, sautillant et chantant sur le bord du terrain de football, pendant que les gars, les vrais, jouent des muscles et se percutent à pleine vitesse. 

Ce type de clichés, le docu-série Cheer, réalisé par Greg Whiteley (à qui l’on doit aussi celui sur le foot américain Last Chance U, également sur Netflix), les fait voler en éclats dès le premier épisode. La démonstration qui se joue sous nos yeux est plus proche de l’escadron à la discipline militaire que d’un club de “mean girls” qui se trémoussent. Une fois que l’on a intégré le vocabulaire technique — tumbler, basket toss, flyer… — chaque entraînement nous apparaît comme une forme de torture à laquelle tou·te·s les participant·e·s consentent. Les corps tombent de haut, de très haut, les muscles sont mis à rude épreuve, les os se brisent parfois, la douleur semble ne jamais quitter le tapis, et le mental fait des loopings entre profond découragement et sursaut de motivation surhumaine.

Le cheerleading, pour ces jeunes, ce n’est pas seulement une vocation : c’est un sacerdoce et une bouée de sauvetage qui les maintient dans le droit chemin et leur donne un but, même si une carrière en uniforme est forcément un rêve qui n’est pas fait pour durer. Les projecteurs sont mis sur la fac du Navarro College dans la petite ville de Corsicana au Texas (à peine 24 000 habitants), un “squad” que les cheerleaders de tout le pays essaient d’intégrer. Ce sont les meilleur·e·s (car oui, le cheerleading est mixte), et ils et elles vont tenter de le prouver une année de plus lors du grand championnat de Daytona en Floride, que la série réserve évidemment pour son climax au sixième épisode.

Ce qui rend cette série documentaire immédiatement passionnante, c’est l’attachement que l’on porte à ses héros et héroïnes, Lexi, Megan, La’Darius ou encore Gabi. Leur impitoyable coach, Monica Aldama, surnommée “The Queen”, passe d’abord pour le bourreau. Une idée nous hante : on la voit comme une mère dragonne qui pousse ses athlètes jusqu’à la rupture, là où un homme entraîneur braillant sur ses footballeurs serait considéré comme un leader juste et intransigeant. On comprend heureusement que celle-ci est surtout là pour canaliser l’incroyable talent des jeunes sous sa responsabilité, et de s’assurer que leur volonté de fer est utilisée à bon escient.

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Issu·e·s de milieux difficiles, de familles explosées, et en perte de repères, les protagonistes de la série ont bien sûr été choisi·e·s avec soin, de sorte qu’il est impossible de rester insensible à leur parcours. Ce serait de la fiction, qu’on ne s’y serait pas mieux pris. Car après tout, n’était-ce pas ses personnages, tous plus touchants les uns que les autres, qui ont fait de Friday Night Lights l’une des meilleures séries de tous les temps ? Comme elle, Cheer a su prendre le pouls d’une génération paumée du fin fond du Texas, pour qui les perspectives de carrières sont limitées, et capturer leur dévouement quasi-religieux. Le docu-série culmine lors de son ultime épisode, à l’heure de la grande finale de la discipline à Daytona.

C’est l’accomplissement d’une année d’efforts titanesques et de corps maltraités et, paradoxalement, au sommet de leur puissance. Tout ça pour deux minutes de chorégraphie. Et nous voilà, nous, spectateur·rices passif·ves devant nos écrans, en apnée, à crier d’angoisse et à sauter de joie lorsque chaque figure est exécutée sans accroc. On a peur pour eux, et pour leurs rêves. Pour découvrir le résultat du championnat, il faudra faire acte de foi et se laisser embarquer par le tourbillon qu’est Cheer. Frissons garantis.

Les six épisodes de Cheer sont disponibles sur Netflix.