Paranormal, ou le retour de la momie maléfique sur Netflix

Paranormal, ou le retour de la momie maléfique sur Netflix

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Ⓒ Netflix

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Par Adrien Delage

Publié le

Pour sa première série égyptienne, la plateforme de streaming nous plonge au cœur des démons de l'Égypte antique.

Après avoir grandement participé à la création sérielle européenne, Netflix accorde de plus en plus d’importance aux auteurs originaires du Moyen-Orient. On pense plus particulièrement aux pays arabes, notamment avec les hits Le Protecteur d’Istanbul et Jinn, deux œuvres de genre surprenantes. Avec sa nouvelle série arabophone de novembre, Paranormal, le géant américain joue à fond la carte du fantastique pour sa première production égyptienne, basée sur la saga littéraire d’Ahmed Khaled Towfik. Une histoire de fantômes qui nous plonge aussi dans la mythologie fascinante de l’Égypte antique.

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On y suit l’enquête et les recherches du professeur Refaat Ismail, un célèbre hématologue du Caire chargé entre autres d’autopsier les momies issues de fouilles archéologiques. C’est un homme misanthrope, plutôt renfermé voire nihiliste, qui refuse de croire aux phénomènes paranormaux, pures créations d’un esprit humain troublé selon lui. Pourtant, il est toujours hanté par l’ombre d’une petite fille croisée pendant son enfance et qui a tenté de le tuer. Lorsqu’une épidémie virulente et mortelle s’abat sur la ville, il va devoir remettre en question ses croyances pour essayer de comprendre l’origine de la catastrophe et la résoudre.

Le “true detective” de l’Égypte

Ⓒ Batool Al Daawi/Netflix

À la croisée de l’horreur et de l’aventure, Paranormal se démarque par son cadre et son contexte social paradoxalement contemporains. Les péripéties du professeur Ismail mélangent problématiques actuelles (une épidémie incontrôlable) et mythes locaux (les dix plaies d’Égypte) pour en faire une enquête surnaturelle franchement agréable à suivre. Comme de nombreuses œuvres du genre, la série fait appel à une mise en scène basée sur le contrechamp et les non-dits en arrière-plan pour faire frissonner ses spectateurs, sans avoir recours à une pléthore d’effets spéciaux (même si quelques jump scare bienvenus ponctuent les épisodes).

La série peut compter sur un héros aussi attachant qu’énervant, superbement incarné par Ahmed Amin. C’est un personnage tout en retenue mais touchant, qui évoque parfois un certain Rust Cohle (True Detective). Les deux détectives partagent une affection pour les lois de Murphy et la théorie du chaos (et la clope), héritiers spirituels de la philosophie pessimiste de Nietzsche. Un peu à la manière d’un mec “trop vieux pour ces conneries”, il va se faire violence pour sauver l’Égypte d’un fléau scientifiquement inexplicable. Paranormal explore aussi la thématique du deuil amoureux, symbolisé par cette petite fille fantôme qui le suit partout comme une trace de ses échecs relationnels au cours de sa vie.

On ne peut pas vraiment dire que le show terrifie au même titre que The Haunting of Hill House ou même la française Marianne, avec laquelle il partage une imagerie du cinéma d’épouvante. Toutefois, il sait instaurer une ambiance angoissante qu’on prend plaisir à découvrir à travers la mythologie égyptienne, souvent synonyme de malédictions héritées des tombeaux profanés des pharaons. La série ne manque pas aussi de distiller quelques touches d’humour plus ou moins réussies à travers l’arrivée d’un personnage secondaire dans l’épisode 2, que nous éviterons soigneusement de dévoiler entre ses lignes.

Ⓒ Batool Al Daawi/Netflix

Paranormal devient particulièrement intrigante quand elle s’éloigne un peu de son twist fantastique pour se recentrer sur la société égyptienne d’aujourd’hui. Elle le fait par petites touches, sans réellement oser y consacrer une grande partie de son histoire, probablement pour ne pas faire fuir les spectateurs en manque de frissons, mais c’est presque regrettable. On découvre ainsi une population encore très attachée aux traditions, profondément superstitieuse et terrifiée par la guerre terroriste qui se joue à des frontières. Au même titre que Refaat, elle semble hantée par les fantômes de son passé, embrigadée dans un mouvement belliqueux sommé par un gouvernement ultra-conservateur.

Malgré son envie de bien faire et ses bonnes idées, la série de Netflix souffre d’une obsolescence narrative qui l’empêche de briller davantage. Comprenez par là que Paranormal fait un peu vieillotte dans sa construction : une voix off en guise de narrateur, des allers-retours entre passé et présent pour saisir la situation actuelle, des effets horrifiques poussiéreux et cheap par moments… Clairement, elle n’apporte pas grand-chose au genre si ce n’est la possibilité d’explorer les mythes sibyllins de l’Égypte antique, même si certains spectateurs pourraient reprocher à la série d’amonceler les clichés liés à l’un des plus vieux monstres du cinéma d’horreur : la momie.

La première saison de Paranormal est disponible en intégralité sur Netflix.