Le final de The 100 a-t-il tenu ses promesses ?

Le final de The 100 a-t-il tenu ses promesses ?

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Par Delphine Rivet

Publié le

La série tirait sa révérence ce mercredi sur la CW et son final n'a pas suffi à nous réconcilier avec une saison 7 plutôt confuse.

Nous y voilà. La fin d’une époque. The 100 vient de livrer son ultime épisode sur The CW, après sept saisons sur nos écrans. Écrire la fin d’une série, surtout quand elle a duré aussi longtemps et a eu le temps de se perdre en route, c’est compliqué. Et dire adieu, en tant que fan, à sa série, c’est aussi un crève-cœur, quelle que soit la qualité de sa conclusion. Les heures de gloire de The 100 sont loin derrière elle, mais le temps passé avec ses personnages n’est pas négligeable. C’est à eux que l’on dit au revoir, plus qu’à la série en elle-même. Les scénaristes le savent et ils ont habilement joué sur notre corde sensible. Attention, spoilers !

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Il faut bien l’admettre, ce final se révèle meilleur que la saison 7 tout entière. Ce qui n’est vraiment pas un compliment quand on regarde dans le rétroviseur. Il a surtout eu le mérite de clore la série sur une avalanche d’émotions. Mais la tentation était trop forte, les intrigues labyrinthiques et confuses des précédents épisodes étaient déjà trop fermement nouées pour ne pas tenter de les démêler. Tu t’es mise dans ce pétrin toute seule, The 100 ! Difficile d’assumer l’emprise trop grande de Shepherd, la place démesurée octroyée à Sheidheda, les allers et retours incessants et déroutants à travers les portails, la mort inutile de Bellamy et ses conséquences quasi inexistantes sur ses ami·e·s… Celle-ci était d’ailleurs d’autant plus injustifiée à ce stade qu’elle n’a rien arrêté. Personne, pas même Echo ni Octavia, ne semble d’ailleurs en tenir rigueur à Clarke.

Bref, autant de fils tendus qui viennent étrangler le récit. Reste, heureusement, le cœur battant de la série : ses personnages. Ce final avait clairement pour objectif de leur offrir une forme de rédemption. Dommage qu’il se concentre sur celle de Clarke, toujours à se demander si elle la mérite ou non. Murphy, Octavia, et Raven n’auront pas droit aux mêmes égards, bien qu’ils ont tout de même bénéficié d’une scène d’adieux personnalisée. Clarke a toujours été une héroïne controversée. Méritait-elle un happy ending ? Et d’ailleurs, était-ce vraiment un happy ending ? Le débat est ouvert. On pourrait arguer que la série a choisi de ne pas punir davantage celle qui, certes, a pas mal de casseroles à son actif, mais a aussi bien morflé durant sept saisons, et en particulier lors des derniers épisodes.

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The 100 a pris un curieux virage spirituel et new age ces deux dernières saisons, alors qu’elle nous avait habitué·e·s à des choses bien plus terre à terre. On comprend l’approche philosophique de la série quant au déterminisme des humains qui répètent encore et encore les mêmes erreurs. Mais tout cela nous apparaît un peu simpliste : dépassez votre envie de vous entre-tuer, juste un instant, après des millénaires à vous faire la guerre (et parmi lesquels il y a pourtant déjà eu des trêves, des réconciliations entre peuples, des actes de bravoure et de compassion inégalés) et vous serez sauvés. Mais si vous tuez une personne pendant les délibérations (même si vous en avez tué des centaines auparavant), c’est cramé pour vous. Petite parenthèse : le fait que Sheidheda, clairement l’instrument du chaos ici à défaut d’avoir une quelconque autre utilité, penche dans la balance pour juger toute l’humanité est limite insultant. Mais ok, admettons, il est l’étincelle qui met, assez littéralement, le feu aux poudres. Quoi qu’il en soit, jamais une guerre prophétisée dans The 100 n’a connu une résolution aussi rapide et, pardonnez-nous, aussi manichéenne.

On sent bien l’embarras des scénaristes, brodant des règles en fonction de ce qui les arrange. The 100 nous a pourtant prouvé, dès les premiers épisodes, qu’elle assumait ses choix, même les plus définitifs et cruels. Elle semble ici adopter la politique du “et en même temps…” : ne pas trop trahir l’esprit de la série, tout en reniant la radicalité de ses premières saisons. En ramenant Lexa et Abby, même pour un bref instant, les scénaristes laissent clairement apparaître leur volonté de se racheter aux yeux des fans. Tant pis pour Bellamy qui, comme on l’apprend dans l’épisode, n’a jamais pu accéder à l’ascension car il est mort avant le jugement. On comprend l’envie de finir sur une note plus positive, mais même ça, elle échoue à y parvenir.

Car la morale ne sort pas nécessairement gagnante de ce final (là encore, le débat reste ouvert) et les règles de l’ascension nous semblent bien arbitraires. Le deal est donc le suivant : soit les humains se font la guerre jusqu’à extermination de l’espèce, soit le jugement dernier penche en leur faveur et ils accèdent à une forme d’au-delà… et donc, concrètement, l’espèce est exterminée. Tu parles d’un choix… Ah mais attendez, il y a un twist ! Apparemment, même une fois l’ascension accomplie, on peut choisir de “redescendre” et de continuer sa vie pépère. Dans le cas présent, l’espèce humaine (ou plutôt son “âme”) a été sauvée in extremis.

Mais Clarke reste sur place. Comme elle le fait remarquer à la fausse Lexa qui lui sert de juge : ses péchés sont grands, mais en cherchant bien, elle ne doit pas être la seule sur cette fichue planète à avoir des choses à se reprocher. Effectivement, mais l’incarnation de son ancien amour lui fait remarquer qu’elle est en revanche la seule à avoir tué quelqu’un durant le jugement — The Shepherd en l’occurrence. Ce qui lui vaut de rester sur le banc de touche pendant que les autres s’éclatent pour l’éternité dans le plan astral. En gros, l’idée de se retrouver seule jusqu’à la fin de ses jours est évidemment une punition suffisamment cruelle. Sauf que, selon les règles établies par les instances dirigeantes, ses ami·e·s ont fait le choix de revenir sur le plancher des vaches… à l’exception de Madi.

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L’excuse qui nous est donnée par les scénaristes, c’est que la jeune fille ne voulait pas faire peser sur la conscience de sa mère adoptive le fait d’être la seule et dernière “enfant” sur Terre. C’est l’une des conditions écrites en tout petit en bas du contrat : si vous revenez, vous serez la dernière génération à fouler ce sol. Vous trouvez ça un peu léger comme prétexte ? Nous aussi. C’est d’autant plus incompréhensible que, de l’aveu même de son showrunner Jason Rothenberg, cette fin est censée nous permettre de les quitter le cœur léger, avec cette certitude que l’humanité, en brisant le cycle de violence, est absoute.

Ce n’est vraiment pas l’impression qu’on a eue, mais peut-être que 2020 nous a rendu·e·s trop cyniques. Au contraire, on en sort avec plus de questions que de réponses. Personne n’est capable de dire ce qu’est l’ascension, et c’est ce qui rend cette fin douce-amère. Certain·e·s y verront un au-delà, le début de quelque chose, une seconde vie spirituelle, d’autres la fin de tout. Qui sont les plus chanceux·ses ? Celles et ceux qui sont parti·e·s, ou celles et ceux qui sont resté·e·s ? Même les scénaristes de The 100 n’ont pas la réponse. Ce final, imparfait, ne manquait pas de générosité, mais les boulets que le scénario se traînait depuis plusieurs épisodes ont pesé trop lourd.

On quitte néanmoins Clarke, Murphy, Octavia et Raven avec un brin de tristesse et de nostalgie. Parce que, quoi qu’on en dise, sur ses trois, voire quatre premières saisons, The 100 était une grande série. Même si elle a été méprisée à cause de son genre, parce qu’elle était diffusée sur une chaîne pour ados, et qu’elle avait l’audace de ne pas jouer dans la même cour que des Penny Dreadful, The Affair, True Detective ou encore The Leftovers, chefs-d’œuvre incontestés de cette cuvée 2014. Elle a pourtant eu du cœur, du courage, et de l’ambition. Si elle nous laisse un goût amer, cette fin a au moins le mérite de nous donner envie de revoir ses premières saisons, et de jeter un œil au spin-off en développement