Le docu-série Jusqu’à la racine montre le rôle crucial du petit écran pour les cheveux afro

Le docu-série Jusqu’à la racine montre le rôle crucial du petit écran pour les cheveux afro

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Par Jennifer Padjemi

Publié le

Disponible sur Disney+, avec les meilleures invitées.

Cette série documentaire intitulée Jusqu’à la racine : histoires de cheveux (ou The Hair Tales en VO), créée par Tracee Ellis Ross, actrice connue, mais aussi fondatrice de la marque pour cheveux texturés Pattern Beauty, revient sur un élément important pour de nombreuses femmes noires : leurs cheveux. Dans chacun des six épisodes, elle invite une personnalité du monde du divertissement, de la musique, de la télévision ou de la politique pour comprendre leur évolution capillaire personnelle.

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Oprah Winfrey évoque ses débuts dans le journalisme télévisé et la pression d’avoir les cheveux toujours impeccables selon les normes de l’occidentalité ; Issa Rae revient sur son parcours d’acceptation pour valoriser la versatilité de ses cheveux ; Ayanna Pressley partage la souffrance puis la libération d’avoir dévoilé son alopécie en tant que femme politique ; Chika témoigne de l’intersection d’être une rappeuse, femme noire, grosse et foncée de peau aux cheveux afro, et comment elle a fini par embrasser son identité plurielle ; Marsai Martin retrace son apprentissage capillaire en même temps que celui de son métier d’actrice ; et enfin, Chloe Bailey relate sa vulnérabilité de chanteuse et performeuse, associée aux locks qu’elle porte depuis qu’elle est enfant.

Toutes à leur manière, dans un pays qui leur a fait comprendre la majorité de leur vie qu’elles n’étaient pas suffisantes, sont parvenues à faire la paix avec leur chevelure. Non sans passer par des histoires d’humiliation, de questionnement et de rejet de leur propre beauté. Dans un format conversationnel entre Tracee Ellis Ross et son invitée, des anonymes font écho à ces vécus, témoignant de similarités communes à toutes les femmes noires, aux États-Unis ou ailleurs.

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Issa Rae et Insecure : le tournant

L’épisode le plus révélateur en termes d’évolution du regard qu’on porte sur les cheveux afro est sans aucun doute celui d’Issa Rae, femme bien ancrée dans son époque, qui a décidé de célébrer les textures et coiffures sur le petit écran. De sa websérie Awkward Black Girl à Rap Sh!t, en passant par Insecure, la série qui l’a révélée, elle n’a jamais cessé de distiller la beauté noire à travers ses personnages féminins.

Dès les premières minutes de son intervention, l’actrice, scénariste, réalisatrice et productrice l’admet : “Mes cheveux demandent de l’entretien. Ils sont un peu exigeants. Ils peuvent manquer d’assurance parfois, et c’est à moi de les aider à se sentir bien”. Après des années de “violence” à ne pas se sentir assez jolie, elle a décidé de célébrer ses cheveux dans toute leur variété. C’est la coiffeuse/styliste pour célébrités Felicia Leatherwood qui a été son salut devant et derrière la caméra.

Si aujourd’hui, les choses semblent évoluer, de nombreuses femmes noires doivent encore jouer des coudes pour faire accepter leurs coiffures et les manières dont elles veulent se (re)présenter, et sont encore trop sujettes à l’idée qu’un beau cheveu doit être lisse, sinon rangé et discret. Avant Insecure, il y avait Girlfriends, Moesha, Le Prince de Bel-Air, et les nombreux shows qui faisaient l’âge d’or de la télévision dans les années 1990, portés par la chaîne UPN (avant une longue traversée du désert jusqu’à la fin des années 2000). Ces séries ont, l’air de rien, infusé voire imposé un “style afro” reconnaissable entre mille, dont les coiffures et ornements des protagonistes féminins sont encore plébiscités aujourd’hui.

La coiffure, un personnage comme un autre

Ce qui a véritablement changé avec Insecure, c’est la capacité à faire du cheveu afro, non plus un simple apparat esthétique, mais un élément intégrant des intrigues. Ces cheveux accompagnent l’évolution des personnages, les émotions et différentes étapes de leur trajectoire.

Quand on voit Issa Dee à la caméra dès le premier épisode de la série, elle a les cheveux courts, un T-shirt à message et une attitude un peu gauche. On la voit éclore quatre saisons plus tard en une personne sûre d’elle et de ses choix. De même que son amie Molly décide de ne plus porter de perruques en saison 5 pour faire un big chop (expression qui signifie se couper les cheveux très courts, presque un rite de passage) : c’est sa manière à elle de ne plus se conformer au polissage strict de son métier d’avocate, notamment dans un cabinet où elle ne se sentait pas libre, ni valorisée.

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Certaines téléspectatrices (en majorité des femmes) ont pu reprocher à la série d’être irréaliste, ne prenant pas en compte le fait que personne dans la vie n’a le temps de changer autant de coiffures (notamment quand on connaît les prix des salons afro, précisément aux États-Unis). Pourtant, cette dimension fait aussi partie de la personnalité d’Issa Dee, qui, comme son alter ego dans la vie, a besoin de maintenir une apparence toujours recherchée, qui correspond également à son quotidien créatif et social, loin du métier de Molly.

D’autres créatrices et showrunneuses comme Shonda Rhimes ont aussi réfléchi à la manière dont les coiffures pouvaient jouer leur rôle dans un programme grand public. Impossible de ne pas citer Scandal où les cheveux d’Olivia Pope représentaient sa propension à s’insérer à la Maison-Blanche, sans qu’un cheveu ne dépasse, afin de se maintenir aussi lisse que l’environnement politique masculin et blanc dans lequel elle se trouvait. Les seules fois où elles les laissaient au naturel, c’était en vacances, loin du conformisme de son métier.

Comment ne pas non plus penser à Annalise Keating (How to Get Away With Murder) et sa capacité à se mettre entièrement à nu ? Elle laisse en héritage l’une des scènes les plus mémorables de ces quinze dernières années : celle où, remplie de fragilité, elle se démaquille et retire sa perruque pour se regarder face à son miroir. Insecure a été le point de bascule entre les séries pionnières et les contemporaines, ne reléguant plus la capillarité au second plan. Reste à se demander quand cette révolution visible du cheveu afro se fera aussi sur nos chaînes françaises.

Les six épisodes de Jusqu’à la racine : histoires de cheveux sont disponibles sur Disney+.

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