Peaky Blinders : la gloire des Shelby menace de s’effondrer dans l’épisode “Black Tuesday”

Peaky Blinders : la gloire des Shelby menace de s’effondrer dans l’épisode “Black Tuesday”

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Ⓒ BBC One

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Par Adrien Delage

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Tommy et son entreprise familiale subissent de plein fouet la crise boursière de 1929. Attention, spoilers.

En 2017, les Peaky Blinders faisaient leur retour dans une saison 4 littéralement mortelle, qui a marqué les esprits et coûté la vie à plusieurs protagonistes. Pour la première fois, Tommy et sa fratrie se frottaient à la mafia italo-américaine, représentée ici par les Changretta et un Adrien Brody cabotin mais admirablement détestable. Le nom d’un certain Al Capone était même lâché dans le dernier épisode de la saison. Pour ce cinquième chapitre, Steven Knight, le créateur de la série, a décidé de s’attaquer à une crise économique sans précédent, qui a touché le monde entier à la fin des années 1920.

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Le “Black Tuesday” de l’épisode est une référence au tristement célèbre mardi noir, qui marquait le sixième jour du krach boursier daté au 26 octobre 1929. Après l’explosion d’une bulle spéculative débutée à l’après-guerre, la Bourse de New York s’est finalement effondrée, entraînant de fil en aiguille une chute drastique du cours des actions. Désireux d’étendre leur business à l’international, les gangsters de Birmingham avaient également investi en masse pendant cette période. Ce coup de poker manqué pourrait bien mettre un terme à leur business légal, alors que la colère de l’injustice gronde parmi la population.

Personne n’écoute Tommy

Ⓒ Robert Viglasky/BBC One

Pour son retour après presque deux ans d’absence, Peaky Blinders joue la carte de la nostalgie et de la sécurité. Cette cinquième saison, dont la réalisation a été confiée à Anthony Byrne (Ripper Street, The Last Kingdom), débute sur un calme olympien. On est loin du choc du season premiere de la saison 4, qui voyait John agoniser au cours d’une intense fusillade. Pour ainsi dire, l’épisode “Black Tuesday” est là pour rassurer les spectateurs en leur promettant que oui, même après 5 saisons, nous sommes toujours dans l’univers stylisé et addictif de Peaky Blinders.

Anthony Byrne et le showrunner Steven Knight utilisent les codes de la série avec une précision chirurgicale : présence des chevaux et des caravanes gitanes, plans larges et ralentis à foison sur le clan Shelby, soulevant leurs amples manteaux et le soufre des aciéries de Birmingham à chacun de leur pas, le tout sur une musique rock anachronique et forcément jouissive (Black Sabbath en tête), qui n’oublie pas de placer en intro l’emblématique “Red Right Hand” de Nick Cave and the Bad Seeds. Pas de doute, même diminué d’un membre charismatique et encore sous le coup de l’affaire Changretta, Tommy et sa famille sont toujours les rois d’Angleterre.

Ce sentiment de madeleine de Proust est amplifié par les gimmicks narratifs de l’épisode, qui multiplient les références aux précédentes saisons. Tommy ne peut s’empêcher de se défoncer à l’opium pour revoir son amour perdu, Grace, tandis que le journaliste Michael Levitt évoque la mort de l’inspecteur Campbell, assassiné par Polly à la fin de la saison 2. Enfin, et le clin d’œil aura fait sourire plus d’un fan, le leader du clan a finalement gardé Cyril, le chien d’Alfie Solomons, inoubliable enflure campée par Tom Hardy. 

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La grosse nouveauté vient donc du contexte de la saison, où les Shelby subissent de plein fouet le krach de 1929 après un investissement conséquent dans les banques américaines. À chaque saison son prétexte historique pour voir le gang de Birmingham plonger au bord du gouffre. L’épisode “Black Tuesday” ne s’attarde pas trop sur le sujet, puisque Tommy met rapidement au point un plan pour remonter la pente et profiter de la situation. De l’autre côté, et contrairement à la prédiction optimiste de Polly, la petite famille ne se doute pas que le début des années 1930 marque l’avènement d’une nouvelle ère tragique : la montée du nazisme, la Grande Dépression économique, l’explosion du chômage et les révoltes populaires qui éclatent dans le monde entier.

Un climat de tension qui sera probablement alimenté par un personnage introduit discrètement dans cet épisode : Oswald Mosley. Ce nouveau protagoniste incarné par Sam Claflin (Hunger Games) a rejoint la chambre des Lords au même titre que Tommy. Il se dit d’ailleurs très intéressé par les affaires de notre antihéros et ce n’est pas un hasard : l’idéologie socialiste de Tommy se confronte avec celle d’Oswald, qui appartient au parti fasciste britannique. Les deux politiciens en puissance vont forcément se livrer un duel politique qui pourrait dériver sur le plan personnel au vu de la grossesse d’Ada, qui attend un enfant de couleur…

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C’est justement notre bandit torturé préféré qui ouvre la saison, dans un plan austère mais sublime (et une référence subtile au TARDIS de Doctor Who ?). Autrefois bookmaker solitaire et taiseux, Tommy est désormais au centre de toutes les attentions, soutenu par le peuple ouvrier de Birmingham, et jeune papa qui peine à dialoguer avec ses rejetons. Officieusement, il dirige en plus la Shelby Company pour prévenir des frasques d’Arthur et des manœuvres financières manquées de Michael, envoyé à New York pour assurer l’internationalisation de l’entreprise.

Cillian Murphy renfile la casquette de gangster comme s’il se rendait à la boulangerie, toutefois plus bavard qu’à l’accoutumée. Sa verve est toujours impressionnante et les punchlines s’enchaînent à une vitesse folle, surtout face au journaliste Levitt, dont l’interview sera la dernière. Si Tommy semble une nouvelle fois au bord du suicide, et que personne ne daigne l’écouter, il démontre sa sempiternelle détermination à se relever de tous les coups bas. C’est le calme avant la tempête, en quelque sorte.

En réalité, l’idée vraiment pertinente et diaboliquement excitante de cet épisode survient autour de la prise de pouvoir de Tommy. Aux portes du gouvernement, le meneur des Shelby est en train de toucher une forme de supériorité, presque dictatoriale, que “Black Tuesday” nous délivre par petites touches.

D’abord en menaçant un Lord de révéler son homosexualité, illégale à l’époque, puis avec cet échange sombre et intense avec le journaliste, qui finira fusillé. Il a également pour lui le culte de la personnalité, aperçu dans la séquence au Garrison et les louanges que les clients lui adressent. Et si, à la manière de Walter White dans Breaking Bad, Tommy était réellement en train de devenir le méchant de l’histoire ? Sa réplique glaçante adressée à son fils “I’m not God, not yet”, montre sans équivoque qu’il emprunte la voie troublante du démiurge totalitaire.

La saison 5 de Peaky Blinders sera disponible en intégralité sur Netflix dès le mois d’octobre.