John Lithgow : “Je suis très fier de ce que nous avons accompli avec The Crown”

John Lithgow : “Je suis très fier de ce que nous avons accompli avec The Crown”

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The Crown Season 1

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Par Marion Olité

Publié le

Dans The Crown, la nouvelle série Netflix qui s’intéresse à la jeunesse de la reine Élisabeth II, John Lithgow incarne le coriace Winston Churchill. Il est aussi resté dans les mémoires pour son rôle du Trinity Killer dans Dexter. Biiinge a rencontré un vrai gentleman. 

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Biiinge | Avez-vous pu regarder The Crown et si oui, qu’en avez-vous pensé ?

John Lithgow | J’ai vu un peu des deux premiers épisodes, et j’ai trouvé le résultat fantastique ! Je peux vous dire que vous allez aimer cette série, et peut-être même bien plus que vous ne le pensiez. Vous allez être complètement surpris par The Crown. Je pense très sincèrement que nous avons fait quelque chose de grand. J’en suis très fier.

Avant The Crown, il y a eu le film The Queen. Pourquoi, selon vous, la figure de la Reine Élisabeth fascine-t-elle encore le public ?

Je ne pense pas qu’on ait vu avant The Crown une exploration aussi poussée de la jeunesse de la Reine, et son entourage à cette époque. Cette série est aussi un formidable portrait de cette période du début des années 1950, qui est presque une oubliée des livres d’Histoire. Je trouve cela fascinant d’explorer ce territoire inexploré.

On est à un moment où la Grande-Bretagne est détruite économiquement par une guerre qu’elle a pourtant remporté. Un jeune roi d’une cinquantaine d’années meurt et une jeune femme doit alors devenir reine. Le pays doit décider dans la foulée s’il veut toujours du système de la monarchie, et s’il peut encore se le payer.

Churchill apparait comme le dernier des vainqueurs dans cette histoire. Il est dans une position délicate où il doit se battre pour le maintien de la monarchie. Et il est devenu Premier ministre à un moment où il était en réalité beaucoup trop vieux pour le job [il a alors 77 ans, ndlr]. Et quand il a enfin pris sa retraite, il avait 80 ans !

The Crown plonge au cœur d’une famille que nous ne connaissons qu’en deux dimensions”

Pourquoi cette période de l’histoire britannique a-t-elle été passée sous silence si longtemps ?

Les catastrophes créent les plus grands dramas d’époque. Et nous nous trouvons là entre les années 1940 et les années 1960, deux décennies catastrophiques. Les gens ont donc tendance à se dire que tout allait bien, donc que ce n’est même pas la peine de regarder cette époque. Alors qu’il s’y passe des choses fascinantes !

Et puis The Crown, c’est aussi cette plongée au cœur d’une famille que nous ne connaissons qu’en deux dimensions. Il y a tellement de choses à dire : la première saison doit comprendre quelque chose comme huit storylines différentes, dont la relation incroyablement compliquée entre deux sœurs, un mariage entre deux jeunes gens qui change complètement quand l’épouse devient soudainement la Reine et que l’époux doit alors s’effacer, un homme beaucoup trop vieux pour être Premier ministre mais qui va s’y accrocher tel un chien sur son os…

Et bien sûr, au cœur de tout cela, il y a l’éducation d’une Reine. Chacune de ses intrigues sont passionnantes en elles-mêmes et apportent leurs lots de conflits intérieurs et d’émotions humaines. Par exemple, les deux premiers épisodes se penchent sur la fin de Georges VI et ce qui est fou, c’est que Churchill en savait plus sur son état de santé que le roi lui-même ! Il y a des histoires si sensibles, auxquelles on ne s’attend pas quand on plonge dans une série sur la monarchie britannique.

Avez-vous été en contact avec un membre de la monarchie ?

Pas avec la Reine, mais j’ai rencontré plusieurs fois le Prince Charles à différentes occasions. J’étais en Californie, à Cerritos, au milieu d’un public dont il faisait partie. C’était un moment spécial où son mariage était en train de s’effondrer. Nous regardions tous la pièce de Shakespeare sur Henry VI, pleine de meurtres et de trahisons. C’était assez cocasse.

Tout le monde me pose la question. Je ne sais pas du tout s’il regarderont The Crown, mais j’imagine qu’ils seront curieux et qu’ils pourraient être émus en la visionnant. Quand vous arrivez à un certain âge, vous voyez votre jeunesse de façon très différente, comme si vous étiez un autre être humain. Si j’étais la reine Élisabeth, j’aurais voulu que Claire Foy m’incarne en tout cas [rires].

Comment avez-vous réussi à incarner Churchill sans avoir recours à des prothèses ?

Ça a été un énorme challenge. Plusieurs acteurs merveilleux, comme Albert Finney ou Michael Gambon, l’ont incarné avant moi. J’ai vu Timothy Spall dans Le discours d’un Roi. Et la performance d’Albert Finney dans The Gathering Storm, je l’ai vue après avoir commencé à jouer dans The Crown. Ça m’a un peu libéré, parce qu’il était aussi différent de Churchill, physiquement parlant, que moi. En fait, la ressemblance physique n’est pas si importante, du moment que vous trouvez une façon d’habiter le personnage, de trouver son essence, de l’incarner au milieu de tous ces protagonistes.

Jared Harris ne ressemble pas non plus à Georges VI, pareil pour Alex Jennings qui incarne le duc de Windsor ou même Claire [Foy, ndlr] dans le rôle de la jeune Reine. Mais j’espère que nous avons réussi à en tirer une certaine authenticité, notamment en nous appuyant sur les rapports que nos personnages ont les uns avec les autres.

“Netflix voulait frapper un grand coup”

The Crown est un drama “à la BBC” produit par Netflix. Avez-vous noté des différences entre les façons de faire ?

Je ne m’en suis pas rendu compte, mais je peux vous dire que c’était très important pour Netflix que la série soit spéciale. Ils voulaient frapper un grand coup et pas que par la “production value”, même s’ils ont montré qu’ils avaient de la ressource. Je pense qu’ils voulaient transcender ce que les gens attendaient. C’est très inhabituel.

Pour vous donner un exemple, Peter Morgan m’a écrit un grand discours pour recréer le style Churchill, au moment où il vient d’être réélu Premier ministre. Il le prononce dehors devant une grande foule. Il fait son Churchill, il grogne, mais en même temps il sait que George VI va mourir. Au milieu de son speech, il a quelques mots qui préparent le peuple à ce qui va arriver. C’est tellement malin d’avoir intégré ça !

C’est tellement plus intéressant que de voir, avec tout le respect que je lui dois, Albert Finney s’adresser au Parlement [dans le téléfilm The Gathering Storm, ndlr]. Ne vous méprenez pas, il était fantastique, mais cette scène est tellement plus captivante. On sent l’urgence de la situation qui arrive. Toutes les scènes publiques comportent des éléments très personnels. Et tout ce qu’on voit d’intime dans ces séquences se révèle aussi important que les grands enjeux collectifs. C’est sur ce point que Peter Morgan a été particulièrement ingénieux.

“Je me suis retrouvé à aimer le Trinity Killer”

Voyez-vous un homme politique qui pourrait se rapprocher de la personnalité de Churchill ?

Absolument pas. C’était un homme unique en son genre, un géant ! Il était un peu fou, mais ils avaient besoin d’un homme fou pour relever les défis de cette époque. Il l’a dit lui-même d’ailleurs : “Tout le monde dit que je suis un monstre, mais vous avez besoin d’un monstre !” [rires].

Je dirai que la personnalité la plus proche de lui serait Margaret Thatcher, mais elle n’avait pas son esprit, son humour, sa singularité ou son charme. Je ne suis pas fou de sa politique et je ne suis même pas sûr qu’il fut de bonne compagnie. Il parlait trop et retenait les gens tard le soir, mais il m’a toujours fasciné.

On ne peut pas vous laisser partir sans vous parler de Dexter. Quel souvenir gardez-vous de cette expérience ?

C’était vraiment très fun. Michael C. Hall, avec lequel j’ai le plus travaillé sur ce show, est un acteur fabuleux. J’ai pris le train en cours [il joue le Trinity Killer dans la saison 4, ndlr] pour incarner ce personnage incroyable, plein de secrets et de contradictions.

Quand ils m’ont persuadé de le jouer, j’avais un rendez-vous avec les deux producteurs exécutifs du show, juste nous trois. J’ai dû promettre que je ne dirai rien à personne, et ils m’ont raconté l’intrigue de toute la saison. Et je me retrouve en possession de tous ces secrets ! Le réalisateur lui-même ne savait pas ce qui allait se passer [rires]. Je me suis retrouvé à aimer le Trinity Killer.