En saison 2, Outcast envoûte mais n’échappe pas à ses vieux démons

En saison 2, Outcast envoûte mais n’échappe pas à ses vieux démons

photo de profil

Par Adrien Delage

Publié le

À première vue, la saison 2 d’Outcast est similaire à la première : sublime au niveau de l’image, transcendante sur le plan de l’atmosphère, mais rasoir pour ce qui est du rythme d’exécution. Attention, spoilers.  

À voir aussi sur Konbini

Les séries horrifiques ont la cote en cette ère de Peak TV. Impossible de passer à côté du mastodonte de Ryan Murphy et Brad Falchuk, American Horror Story, qui aura assurément droit à neuf saisons. Netflix va aussi exploiter le filon à travers un remake de La Maison hantée tandis que Syfy a lancé sa propre anthologie terrifiante avec Channel Zero. En 2016, Robert Kirkman, scénariste des comics The Walking Dead, a porté à l’écran une autre de ses œuvres littéraires intitulée Outcast.

Diffusée sur Cinemax, la petite sœur de HBO, Outcast reprend le thème bien exploité de l’exorcisme, mais de manière violente et moderne. On suit les mésaventures de Kyle Barnes (Patrick Fugit, Presque célèbre), jeune homme solitaire et paumé mais doué de pouvoirs surprenants. Il est capable de chasser les démons du corps de leurs hôtes.

En saison 1, Kyle faisait la rencontre du révérend Anderson (Philip Glenister), une des rares personnes à le soutenir dans son combat contre les forces du mal. Les deux hommes vont se lancer dans une croisade contre les démons qui se multiplient de manière exponentielle sur la surface du globe.

La première saison se terminait sur le départ de Kyle et de sa fille Amber vers de nouveaux horizons, afin de fuir Sidney (Brent Spiner), sorte de Satan réincarné, et son armée du mal. Mais rapidement, le duo va s’apercevoir que les démons les pourchassent aux quatre coins du monde pour une raison inconnue. En conséquence, Kyle décide de faire marche arrière vers Rome pour retrouver le révérend Anderson et tenter de stopper la “Grande Fusion”, un sombre événement qui n’augure rien de bon pour le genre humain.

Réalisation léchée et atmosphère oppressante

Sans aucun doute, la première force d’Outcast réside dans sa sublime photographie et sa mise en scène aux petits oignons, qui joue constamment avec les genres et les angles de la caméra. Les paysages de la Caroline du Sud, lieu de tournage de la série, décrivent une Amérique profonde, reniée, oubliée où les forces du mal pullulent à leur guise. Voir Kyle et le révérend se balader en voiture dans ses rues grisâtres, à la recherche de personnes possédées, évoque clairement l’enquête des détectives Rust Cohle et Marty Hart dans True Detective, voire la ville imaginaire de Twin Peaks dans le show du même nom.

Les étendues naturelles de Rome ne sont jamais parfaitement lumineuses et l’image de la série est recouverte d’un filtre aux couleurs froides des plus angoissants. Quand la caméra se resserre autour des personnages, tout devient plus dark et oppressant. Dans ces séquences, l’image apparaît, à l’instar de production comme Marvel’s Daredevil, parfois un peu trop sombre pour en identifier tous les éléments, mais le résultat est là : la série de Robert Kirkman brille par sa capacité à capter et retranscrire une ambiance irrespirable et paradoxalement envoûtante.

Sans que ses réalisateurs emploient à outrance les “jump scare” ou les procédés de “found footage” si chers au cinéma d’horreur actuel, Outcast est carrément flippante. En réalité, l’atmosphère pesante de la série ne lâche jamais le spectateur, même quand le soleil brille à Rome. Des sueurs froides viennent régulièrement surprendre le spectateur, accompagnées d’une surenchère de la violence, rapide, inattendue, terriblement crue. C’est le cas dans une scène du season premiere de la saison 2, lorsqu’en voulant empêcher le suicide d’Ogden avec son revolver, Kyle provoque involontairement une blessure de la taille d’une balle de tennis dans la mâchoire du pauvre homme.

Le twist récurrent du show de Cinemax est de ne jamais réellement savoir qui est possédé. Cette mise en scène contemplative marche tellement bien que le spectateur a franchement l’impression qu’une ombre se cache toujours derrière Kyle, prête à lui sauter dessus. Le rythme de l’intrigue en pâtit assez souvent, et nombreux sont les spectateurs à reprocher à la série sa lenteur d’exécution, mais les efforts des réalisateurs d’Outcast pour nous transporter dans cet univers lugubre est appréciable et très convainquant.

On parlait de la violence latente et celle-ci a un rôle déterminant dans le combat de Kyle. Ici, il n’est pas question d’asperger de l’eau bénite, de réciter quelques prières et de danser une zumba vaudoue pour chasser les démons. Non, Kyle y va avec ses poings serrées dans la gueule des hôtes pour leur faire recracher par la force ce virus de l’enfer (et une cascade de sang par la même occasion) représenté par une matière noire et visqueuse ressemblant au symbiote Venom. Même les enfants subissent ce traitement musclé, annihilant ainsi la dernière source d’innocence qui pouvait subsister dans le monde ésotérique d’Outcast. Jamais l’adage “se faire violence” n’avait pris autant de sens que dans les cas de possession de la série.

Quid du nouveau niveau de l’intrigue ?

Au vu de la première saison, Outcast s’identifie clairement comme un slow burner qui finit par exploser dans son season finale. On imagine déjà que les nouveaux enjeux de Kyle seront de comprendre ses pouvoirs, leur origine et ceux de sa fille, tout en traquant l’infâme Sydney qui recrute toujours plus de démons pour la “Grande Fusion”. Aussi prometteuse soit-elle, toute cette intrigue mettait du temps à se mettre en place dans les premiers épisodes et il faudra apparemment faire preuve d’autant de patience en saison 2. Des longueurs qui lasseront vite, et à raison, les spectateurs non convaincus par la force de la réalisation aussi belle et réussie soit-elle.

Heureusement, derrière son histoire d’exorcisme et de voyage initiatique, Outcast semble avoir quelque chose à nous dire sur la religion et son rapport à elle. Ce sous-texte se ressent surtout auprès du personnage du révérend Anderson, qui se cherche depuis sa rencontre avec Kyle. Entièrement dévoué à sa foi au début de l’histoire, il est désormais perdu entre les notions de bien et de mal après avoir assassiné Aaron, le fils de Patricia perverti par la perfidie de Sydney. Le nom biblique du jeune garçon n’a d’ailleurs probablement pas été choisi par hasard.

Dans la Bible, Aaron est le porte-parole de dieu. Mais dans Outcast, les forces s’inversent complètement comme le prouve le personnage du révérend. Aaron devient alors le serviteur de Satan aka Sydney dans la série. Le révérend Anderson est quant à lui une sorte de Moïse qui a échoué à sa tâche, celle de servir dieu, en commettant le péché du meurtre. Depuis, il est entré en phase d’autodestruction et a perdu foi en son église. Il ne serait pas impossible de le voir pencher du mauvais côté de la balance dans la suite de la saison, consumé par la quête utopique de Kyle.

Lorsqu’il tombe sur un groupe de croyants itinérants dans le season premiere, Anderson avoue à l’une des fidèles ne plus “être dans ce marché”. À travers cette analogie entre l’église et le business, il désacralise l’idée même de religion, las d’avoir découvert des membres de sa paroisse convertis par le mal. Entre deux sursauts d’horreur, entre deux exorcismes, on entrevoit en Outcast une critique de l’obsolescence de la religion, du libre arbitre et du bien-pensant. Il s’agit maintenant pour les scénaristes de redonner un coup de pétard à cette série horrifique troublante mais monoexpressive, qui nous plonge viscéralement dans les tourments de l’être humain.

En France, la saison 2 d’Outcast est diffusée en US+24 sur OCS Choc.