Il faut qu’on parle de la fin de saison 3 de Rick and Morty

Il faut qu’on parle de la fin de saison 3 de Rick and Morty

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Par Arthur Cios

Publié le

Après une saison centrée autour de l’idée de réalisation de soi et de prise de conscience, Dan Harmon semble faire revenir ses personnages à la case départ. Vraiment ? Attention, spoilers.

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Dan Harmon est brillant. Tout simplement. Le créateur de Rick and Morty vient de délivrer sa meilleure saison, qui recèle toujours autant de références, d’Easter eggs, de blagues graveleuses et d’éléments scénaristiques les plus capillotractés du genre. Mais en offrant à ses personnages des arcs personnels bien plus concrets et bizarrement réalistes, exploités sur toute la durée de la saison, tout en proposant une vision ultrasombre de notre société, les aventures de Rick and Morty ont pris une tout autre tournure.

On reprend là où on nous avait laissés à la fin de la saison 2, haletante, où Rick se sacrifie et la Terre entre dans la Fédération, amenant avec elle son lot de touristes intergalactiques, mais surtout un contrôle total de la planète. Dénouement déprimant, qui n’est pas aidé par un début de saison apocalyptique, se finissant avec brio sur l’échappée belle du grand-père, la libération de la planète et un ultimatum posé par Jerry, aboutissant somme toute assez logiquement à la séparation des parents de Morty. Rick a gagné, il est le chef de la famille et s’est débarrassé du parasite.

De là découle donc toute une saison imbibée d’angoisses qui s’efforce de décortiquer les relations familiales. La saison 3 traite du ressenti des bambins face au divorce mais aussi du rejet parental par les enfants à travers les personnages de Jerry et Summer, cette dernière vivant mal le fait que son père veuille trouver une nouvelle femme. On parcourait ainsi la misère de sa solitude ou l’envie de Summer de se faire aimer de son grand-père, elle qui est à la recherche d’une nouvelle figure paternelle. Bref, tous les épisodes exploraient l’importance de la famille et les liens humains qui unissent leurs membres.

Mais au final, le cœur de cette saison n’est pas tant ce divorce que la relation entre Beth et Rick, d’abord passée au crible dans “Pickle Rick”, où une thérapie familiale a lieu. Dans “The ABC of Beth”, le père ingrat emmène sa fille dans le “monde imaginaire” qu’il a inventé/créé pour elle, les transportant dans des aventures abracadabrantesques à base de cannibalisme, entre autres. La conclusion de cette histoire amène Rick à lui proposer de lui créer un clone qui vivrait sa vie barbante sur Terre à sa place, lui laissant le loisir de faire ce qu’elle veut, que ce soit explorer les différentes dimensions ou autres. C’est là que le très important “The Rickchurian Mortydate” se place donc.

Beth et la famille Smith, grandes gagnantes

Tandis que le président des États-Unis (qu’on n’avait pas vu depuis le génial “Get Schwifty”) appelle ses chouchous Rick et Morty pour faire la sale besogne (éliminer un extraterrestre du sex-tunnel de Kennedy), les deux hurluberlus décident de ne plus accomplir tels des larbins les missions rasoir du chef d’État et de jouer à Minecraft. S’ensuit un duel d’ego, une longue course entre Rick et le chef de l’exécutif américain pour savoir qui est le plus fort mais surtout pour que Morty chope un selfie. Le reste n’est que légende.
Il y a beaucoup de choses à dire et à analyser, des blagues subtilement placées, comme le nom du traité négocié par Rick pour la paix entre la Palestine et Israël (le traité “Plutôt évident si tu y réfléchis”), au comportement du président et des autres. Mais ce serait rater la cible de l’épisode. Car derrière une intrigue de façade typique de Rick and Morty se cache le fond du sujet : Beth et la famille Smith.
Tout au long de l’aventure, on suit Beth qui se pose des questions sur sa nature, se demande si elle est un clone ou non, est en plein doute, mais surtout retombe au final dans les bras de Jerry. Aussi surprenant soit-il, ce choix ne doit pas être analysé seul mais avec tout le contexte qui va avec, avec tout ce que nous venons de voir. D’où la blague un peu méta de Beth sur la fin : “On est une vraie famille maintenant. Par bien des aspects, les choses seront comme dans la saison 1, mais plus simplifiées.”

Il faut avoir en tête tout le chemin parcouru par les personnages, à quel point ils ont pu grandir et évoluer. Beth n’est plus la femme naïve de “Pickle Rick” en cette fin de saison. Le fait que Jerry ait cédé sa place à Rick le temps de quelques épisodes nous a certes apporté son lot d’intrigues géniales, mais a surtout transformé les joyeuses aventures en une forme d’errance plus sombre et malsaine.
On ne sait pas vraiment s’il s’agit d’un clone. Tout laisse à penser que c’est le cas, puis non, et enfin la dernière séquence ressème le trouble. Clone ou non, qu’importe au fond. Cette version de Beth est persuadée de ne pas être le clone et décide d’une certaine manière de rester ici. Elle semble plus ouverte, plus consciente du monde qui l’entoure et elle apprend enfin à connaître son père. Cette Beth a compris son mode de fonctionnement, les décisions qu’il prend et son arrogance certaine. Et elle n’a pas l’air de l’apprécier, au contraire. Tout cela l’amène à choisir consciemment Jerry.
L’autre versant de la chose est que, du coup, Rick est devenu le loser de la famille. L’enjeu se déplace pour Rick : préfère-t-il rester dans cet univers où il a tout perdu, ou fuir et se reconstruire ailleurs ? Surprise, ce nihiliste qui dit que “Nothing that matters, matters”, qui explique ne jamais être attaché à quoi que ce soit ou à qui que ce soit, décide finalement de rester. De ce fait, il n’a plus la même place qu’auparavant. Beth ne le laisse plus insulter Jerry, Morty ne veut plus partir à l’aventure avec lui, tout le monde préfère ce qu’est devenue la famille Smith, avec ou sans Rick. Il ne représente plus grand-chose. La situation est complètement inversée par rapport à la fin de la saison 2 et au début de la troisième.
Au final, on n’est pas si loin du début de la série, époque où la famille était plus ou moins unie et que Rick était l’incompris du lot, un peu rejeté bien qu’aimé de sa fille. À la différence que, désormais, tout le monde connaît les travers du grand-père et fait avec sans trop de difficultés – pour l’instant.
En France, la saison 3 de Rick and Morty reste inédite.