The Get Down lâche le mic dans une deuxième partie électrisante et impressionnante

The Get Down lâche le mic dans une deuxième partie électrisante et impressionnante

photo de profil

Par Adrien Delage

Publié le

Le show musical de Netflix a mis le feu dans une deuxième partie de saison plus dramatique mais tout aussi captivante. Attention, spoilers.

À voir aussi sur Konbini

Nous voilà de retour avec un immense plaisir dans le Bronx bouillonnant des seventies pour cinq nouveaux épisodes de The Get Down. Le projet ambitieux de Baz Luhrmann, showrunner et cocréateur de la série, avait débuté en 2016 et prolongeait la ligne directrice de sa filmographie : revisiter et moderniser les comédies musicales. Son style exubérant et pétaradant, qui peut vite déplaire et devenir indigeste, a pourtant fait de The Get Down un ovni sériel des plus sincères et attachants dans le monde des séries.

Dans cette deuxième partie de saison, on suit le crew des Get-Down Brothers formé d’Ezekiel, Boo-Boo, Dizzee, Ra-Ra et leur DJ Shaolin Fantastic et les voit se rapprocher des premières notes de hip-hop qui retentiront avec le titre “Rapper’s Delight” du Sugarhill Gang. Toujours considérés comme des parias de la musique par Cadillac et les fans de disco, les “Get-Down Brothers” vont devoir élever leur voix, leurs rimes et leurs beats pour se faire entendre et se construire un avenir, parfois au détriment de leur unité.

Plus que jamais, Baz Luhrmann et ses scénaristes ont capturé l’essence de ce Bronx en pleine révolution économique, politique et musicale à travers les destins croisés de ses jeunes personnages, dont Mylene, future Donna Summer et femme indépendante en devenir. Les cinq nouveaux épisodes de The Get Down sont tout aussi chauds, touchants et explosifs que les précédents, même si la mièvrerie importée par le réalisateur de Moulin Rouge vient parfois gâcher (un peu) le spectacle.

Problème d’identité et syndrome de Peter Pan

The Get Down est un soap avant d’être une série musicale. C’est pourquoi l’idylle entre Mylene (Herizen F. Guardiola) et Ezekiel (Justin Smith, qui confirme son statut de révélation du show) est au centre de l’intrigue. Dans la partie 2, leur relation tend vers la romance tragique à la Roméo et Juliette, compte tenu des chemins différents que vont emprunter les deux amoureux. Ces cinq nouveaux épisodes sont clairement plus orientés vers le drame, voire la noirceur, surtout au vu de l’évolution de certains personnages, à commencer par le pasteur Ramon Cruz, interprété par Giancarlo Esposito.

De la même manière que Gus Fring dans Breaking Bad, l’acteur incarne un personnage à double-facette. Pieux et dévoué à sa famille en apparence, Ramon Cruz est en réalité un égoïste de la pire espèce. En première partie de saison, on le pensait réticent à la carrière de chanteuse de Mylene à cause de ses principes religieux. Le côté strass et paillettes du milieu le rebutait, surtout si sa précieuse fille mine d’or cessait de chanter pour son église. Mais en fin de compte, il ne cessera de l’utiliser pour vendre sa paroisse et faire passer ses aspirations avant les besoins de sa famille fracturée.

On découvre alors un homme violent et tyrannique, symbole de cette Amérique des années 1970 déchirée par le racisme et la ségrégation où les Blancs ne doivent pas côtoyer les Afro-Américains et inversement. À sa manière, Shaolin Fantastic devient tout aussi abusif auprès des ses emcees. Il entraîne le jeune Boo-Boo dans le monde de la drogue, empêche Ezekiel de rejoindre une fac de l’Ivy League et ne parvient pas à se libérer du joug de Fat Annie. Finalement, le DJ des Get-Down Brothers est représentatif de ces gamins du Bronx abandonnés par leur famille, en quête d’identité et voués à dealer de la drogue pour survivre. Et malheureusement, il entraîne dans la même spirale infernale ses fanatiques.

Ainsi, une profonde angoisse habite le cœur et l’esprit des kids de The Get Down : la peur de grandir et de quitter leur Bronx natal, même s’il tombe en ruines. Ezekiel, Mylene et même Shaolin Fantastic sont frappés par ce syndrome de Peter Pan qui les retient enchaînés à cette vie dénuée d’avenir. Cette trouille de grandir survient à raison pour certains, comme la future diva qui pourrait rapidement se faire consumer par les magouilles de son manager Roy, déterminé à la transformer en star hypersexualisée. Quant à Ezekiel, il doit affronter le regard des autres, et notamment faire face au racisme ambiant des étudiants blancs de l’Ivy League.

Mais The Get Down est aussi une série feel good et porteuse d’espoir. Si bien qu’elle voit ses personnages grandir, affronter les difficultés et se relever à travers leur musique. Chaque personnage parvient à trouver sa voie, une force intérieure (les rimes de Zeke) ou un partenaire (le compositeur de Mylene) pour leur tendre la main. Preuve que dans ce Bronx sans foi ni loi régnait aussi une forme de paix et d’unité, comme le slogan de la Zulu Nation qui procèdera à la diffusion de la street culture dans le monde.

Ce n’est jamais explicitement dit dans les épisodes, mais l’histoire d’amour entre Ezekiel et Mylene n’est pas la seule à naître dans la série. The Get Down n’oublie pas de mettre en avant la représentation des minorités LGBT, qui se font de plus en plus entendre depuis les émeutes de Stonewall ayant eu lieu juste avant le début des seventies. À travers Dizzee, le pétillant graffeur incarné par Jaden Smith, la série montre les difficultés que rencontrent les personnages à accepter leur orientation sexuelle, toujours considérée comme déviante dans les mœurs de la société de l’époque.

Ainsi, Shaolin Fantastic et Dizzee se considèrent comme des “aliens”, jolie métaphore pour ne jamais tomber dans la vulgarisation de leur identité. Si Dizzee et Thor vivent secrètement leur idylle, on ne sait jamais vraiment ce que ressent Shaolin Fantastic à l’égard d’Ezekiel. Dans l’épisode “Only from Exile Can We Come Home”, alors que les deux garçons se disputent une énième fois, la tension s’emballe et Shaolin menace de “casser la gueule” à son MC. Mais ses mots et ses gestes traduisent toutefois – à vous de l’interpréter comme il vous semble – la possibilité des sentiments du DJ éprouvés envers Zeke.

Sexe, drogues et anachronismes

Si le bouillonnement de The Get Down s’exprime à travers le jeu impeccable de ses jeunes interprètes et les thématiques exploitées, les spectateurs peuvent aussi souligner la qualité de la réalisation. D’un côté, le budget de la série est colossal, mais les producteurs évitent de le gaspiller dans le cachet des acteurs. Images d’archive, décors réalistes, costumes extravagants, droits musicaux… La mise en scène de The Get Down est minutieuse et marquée par une nouveauté des plus appréciables dans cette deuxième partie : des passages en bande-dessinée drôles, enchanteurs, apportant encore une nouvelle dynamique à un ensemble déjà explosif.

Une fois encore, on est dans du trademark Baz Luhrmann et ses effets visuels ne plairont pas à tout le monde, tout comme ses choix musicaux. C’est le cas des séquences façon comics ou encore des titres anachroniques par rapport aux seventies, notamment quand Mylene interprète une pop song dans l’épisode “Gamble Everything”, qui aurait pu être un tube de Madonna au début des années 2000. Dans tous les cas, la mise en scène est époustouflante et transforme la série en une véritable orgie sonore et visuelle.

Esthétiquement, The Get Down est superbe et nous offre des moments de grâce lorsque les Get-Down Brothers montent sur scène. Toutefois, les cinq nouveaux épisodes sont un poil moins spectaculaires que les six premiers. Il n’y a pas de battle magique comme celui contre les Notorious 3 et la musique devient au fur et à mesure plus calme, plus apaisante, plus touchante aussi. Elle suit finalement cette trame narrative dramatique où les destins des figures du Bronx comme Kool Herc et Grandmaster Flash vont mener à l’explosion du Bronx et l’ouverture du hip-hop et de ses artistes au monde entier.

Comme le résume merveilleusement bien Dizzee dans un de ses tags : “Vous n’imaginez pas ce que nous deviendrons.” Une citation en forme de porte-étendard de cette génération qui a changé son monde et le nôtre à travers son art. The Get Down est une fresque spectaculaire, vivace et poignante, une aventure humaine pleine de bons sentiments qui vibre en nous comme une cellule magnétique sur un vinyle. Rêvons désormais d’une saison prenant place dans les années 1980 et retraçant l’arrivée de “The Message” dans les rues de New York et du gangsta rap quelques temps après.

Les cinq nouveaux épisodes de The Get Down sont disponibles en intégralité sur Netflix.