Emily Browning et Ricky Whittle : la saison 2 d’American Gods est “de plus en plus forte”

Emily Browning et Ricky Whittle : la saison 2 d’American Gods est “de plus en plus forte”

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Par Delphine Rivet

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Biiinge a pu rencontrer les interprètes du couple Moon à l'écran, que les changements entre deux saisons n'ont pas trop perturbés.

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À l’occasion du lancement de la saison 2 d’American Gods, sur Amazon Prime Video ce 11 mars, nous avons pu rencontrer deux de ses stars, Ricky Whittle, qui joue le taciturne Shadow, et Emily Browning, l’interprète de Laura. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, un peu de contexte est nécessaire. La série American Gods est tirée du roman éponyme, et réputé inadaptable, de Neil Gaiman, publié en 2001. Elle a été imaginée par un duo de showrunners, Bryan Fuller et Michael Green.

Si la saison n’a pas toujours été satisfaisante en termes de rythme, elle a surtout marqué les esprits par sa richesse créative et sa décadence visuelle. À l’écran et sur le papier, tout, ou presque, est permis. Mais tout ceci à un coût. Et il se pourrait que les ambitions de Fuller et Green aient fait exploser le budget. À l’issue de la saison 1, il se murmure en coulisses que la chaîne Starz, qui diffuse et produit la série, n’a pas réussi à trouver un compromis avec les deux scénaristes.

On a aussi parlé d’une mésentente entre eux et Neil Gaiman, qui gardait évidemment un œil sur son bébé. Il faut dire que la saison 1 tranchait par moments de façon radicale avec le livre, en donnant notamment une place plus importante à Laura Moon et Mad Sweeney. Toujours est-il que Fuller et Green finissent par quitter le navire. Après des mois de tergiversations, on apprend finalement que c’est Neil Gaiman qui reprend la main, accompagné de Jesse Alexander, pour la saison 2. On a donc voulu savoir comment le cast s’était adapté à ces changements de direction.

Biiinge ⎪ Presque deux ans séparent les saisons 1 et 2 d’American Gods. Est-ce que c’était compliqué de vous remettre dans le bain et de retrouver vos personnages respectifs ?

Emily Browning ⎪ Je crois qu’on n’a jamais cessé de parler de la série et de nos personnages entre les deux saisons, et on a passé beaucoup de temps ensemble. [À Ricky] Je n’avais jamais autant fréquenté mes camarades en dehors d’un tournage avant vous les gars. Donc on était toujours dans cet état d’esprit, dans une certaine mesure, durant le break. Et puis une fois que tu retournes sur le tournage – pour moi, c’était le costume, le maquillage et les lentilles – et que le gang est de nouveau réuni… non, ça ne m’a pas du tout paru difficile.

Ricky Whittle ⎪ Quand je reviens sur le plateau, c’est très facile de me glisser à nouveau dans sa peau parce que j’ai vécu avec lui pendant une saison entière, donc je sais comment il pense, ce qu’il ressent. C’est aussi ce qui nous a aidés quand le nouveau régime a été mis en place, parce qu’on sait comment nos personnages parlent. Donc quand les nouveaux showrunners ont débarqué, on a pu parler avec eux et collaborer pour les faire sonner juste.

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C’était un gros break entre deux saisons, c’est assez peu commun dans l’industrie.

Ricky Whittle ⎪ Oui, c’est vrai, et ça n’aurait pas dû durer aussi longtemps.

Emily Browning⎪ C’est ma première série, donc je n’avais pas d’éléments de comparaison. Tout était nouveau pour moi ! Je n’ai jamais eu à rejouer un même personnage… Mais une fois qu’on avait fini la saison 1, j’étais vraiment prête à retrouver Laura parce que j’aime tellement ce personnage. J’étais très impatiente, donc j’aurais aimé que ça se fasse plus tôt.

Ricky Whittle ⎪ Bien sûr qu’on garde ça à l’esprit. C’était beaucoup d’attente, pendant le hiatus. Et même si le lancement est prévu pour le 11 mars sur Amazon Prime Video, on a terminé le tournage en octobre dernier. Et pourtant, je suis déjà prêt à y retourner ! J’écris déjà des idées pour la saison 3.

Entre la saison 1 et la saison 2, Bryan Fuller et Michael Green ont donc quitté la série. Est-ce que ça a eu des conséquences sur votre travail ? N’étiez-vous pas inquiets ?

Ricky Whittle ⎪ Parfois, je n’arrivais pas à lire mon script à cause des larmes [rires].

Emily Browning⎪ J’espère que ça n’a pas affecté nos performances, je ne crois pas que ce soit le cas. Mais bien sûr que j’étais inquiète. Bryan et Michael étaient comme mes papas. J’étais très triste quand ils sont partis.

Ricky Whittle ⎪ Ils ont posé des bases très solides pour la série.

Emily Browning ⎪ Oui, ce sont eux qui ont donné l’impulsion et le ton. Ils ont été une formidable force créative derrière la saison 1. Si c’était eux, ils vous donneraient une réponse géniale et incroyablement détaillée. Moi, ce que j’en dis c’est : dans la vie, les merdes, ça arrive. On aimait tous Bryan et Michael, mais on aime aussi tellement cette série et son cast qu’on était prêt·e·s à se battre pour elle, quoi qu’il arrive. Les inquiétudes se sont dissipées dès qu’on s’est tou·te·s retrouvé·e·s dans la pièce et qu’on s’est dit : “On est à la maison.”

Ricky Whittle ⎪ En fait, ils me manquent plus sur un plan personnel parce que je n’ai jamais bossé avec une paire de showrunners aussi bienveillants et impliqués dans notre vie privée. Ils étaient si généreux et altruistes, toujours aux petits soins pour s’assurer qu’on ne manque de rien pour faire notre job. Et c’est pareil pour Neil Gaiman : sa porte est toujours ouverte. Et on est resté en contact. Michael Green m’a littéralement envoyé un SMS il y a deux jours et son message était si beau que j’ai failli en chialer. Vous voyez, je deviens émotif… parce que c’était vraiment nos papas. Mais comme l’a dit Emily, c’est aussi de notre responsabilité en tant qu’acteurs et actrices de maintenir une forme de continuité. Donc rien ne devrait changer, et on continue d’avancer.

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En parlant de ça… Lors de l’avant-première, il me semble qu’on a pu voir les premiers changements, légers, qui sont finalement plus d’ordre structurel. Par exemple, on n’a plus les séquences “Coming to America” en début d’épisodes.

Ricky Whittle ⎪ Si, si, il y en a ! Il y en a même une sur Tech Boy. Notre but c’est que vous ne puissiez pas voir la différence. Visuellement, c’est la même série. Et la personne qui dit le contraire, cherche quelque chose qui n’est pas là. On le doit à Chris Byrne, notre producteur exécutif et réalisateur, qui a bossé avec Bryan et Michael en saison 1 et avec Bryan sur Hannibal. Il était responsable de tous ces éléments visuels complètement fous qui ont rendu la série si unique. Et on retrouve cette folie visuelle en saison 2, notamment dans l’épisode 1 où on entre dans la machine à prédire l’avenir… [Attention, spoilers sur la saison 2 !]

Donc les “Coming to America” seront bien là. Vous en verrez un, en quelque sorte, sur le passé de Shadow, qui est assez similaire à celui sur Laura, dans l’épisode 4 de la saison 1. Vous verrez un “Coming to America” sur Tech Boy, vous allez le voir évoluer depuis sa version antérieure jusqu’à aujourd’hui et, peut-être, vers une version future de lui-même, sur laquelle Bruce Langley a incroyablement bien travaillé.

C’est l’un des arcs principaux de cette saison. Et on aura aussi un flash-back sur Mr Wednesday lui-même. Et pour moi, l’épisode le plus fort à ce jour, et je n’ai pas encore vu le final, c’est le 7, où l’on découvre la formidable backstory de Mad Sweeney sur des milliers d’années. Donc avec un peu de chances, nos fans retrouveront les mêmes personnages, en apprendront davantage sur eux et ne verront pas trop de différences.

Emily Browning ⎪ Cette saison est de plus en plus forte épisode après épisode. Comme vous le disiez, on a dû faire face à de gros changements, mais dès les épisodes 1 et 2, on retrouve notre groove. Dès le season premiere, on a tous les dieux et déesses, et Shadow et Laura et Sweeney qui, techniquement, n’est pas un dieu, dans la même scène. C’est quelque chose qu’on n’a jamais eu en saison 1, donc oui, ça peut être perçu comme une vibe différente. Et, oui, la structure est un peu différente cette saison, mais plus on avance et plus c’est familier.

Ricky Whittle ⎪ C’est comme un livre. Chaque épisode est un nouveau chapitre. Chacun est différent du précédent. D’ailleurs, on a un réalisateur différent pour chaque épisode, donc c’est une vision différente à chaque fois. C’est très fluide, et ça bouge beaucoup. La seule chose constante ce sont les personnages, c’est notre point d’ancrage.

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Emily, dans le livre, Laura n’a pas beaucoup de place – Mad Sweeney non plus d’ailleurs. Mais dans la série, elle devient un personnage complexe. En saison 1, elle s’ennuie à mourir jusqu’à ce que la mort, justement, donne un but à sa vie. Que peut-on attendre d’elle en saison 2 ?

Emily Browning ⎪ La saison débute sur elle, dans la voiture avec Shadow, Sweeney et Wednesday. Et je crois qu’on peut voir assez rapidement qu’elle n’est pas sûre de ce qu’elle peut dire ou non. Elle a passé la plupart de la saison 1 avec Sweeney, à être une aussi grande gueule qu’elle le voulait. Elle est très impertinente. Mais elle se contient davantage, au moins au début de la saison 2, parce qu’elle doit être un peu plus stratège. Elle choisit de ne pas immédiatement dire à Shadow que c’est Wednesday qui l’a tuée.

Elle essaye de déterminer à quel point il est puissant et se dit : “Qu’est-ce qu’il va m’arriver si je retourne Shadow contre lui ? Est-ce qu’il y a quelque chose de pire que la mort qui pourrait m’arriver ?” Donc, c’était intéressant pour moi de tenir ma langue, en quelque sorte, durant les premiers épisodes. Je crois qu’elle évolue. Elle est de plus en plus à l’aise dans son corps qui pourrit à vue d’œil, elle commence à prendre du plaisir dans la mort et cette force surhumaine qui va avec. Elle veut toujours protéger et prendre soin de Shadow, mais quand elle le voit, elle se dit qu’elle s’est peut-être menti à elle-même en pensant que leur petite famille pourrait continuer comme avant.

Neil Gaiman a écrit le livre, qui parle notamment des vagues d’immigration successives sur le territoire américain, en 2001. Pourquoi, d’après vous, la série est-elle plus pertinente que jamais aujourd’hui ? Je pense aussi à The Handmaid’s Tale, qui a été écrit en 1985, et la série a une énorme résonance aujourd’hui.

Emily Browning ⎪ J’ai lu The Handmaid’s Tale quand j’avais 17 ans. C’est creepy et ça marque, mais je ne crois pas avoir été traumatisée par le livre à l’époque, je l’avais même adoré. Alors que quand la série est sortie, je me suis dit : “Oh non, je ne peux pas voir ça, c’est trop réel.” C’est pour ça que je ne l’ai toujours pas vue, c’est trop proche de nous. Peut-être que Neil Gaiman et Margaret Atwood ont une boule de cristal !

Ricky Whittle ⎪ Neil est juste super intelligent. Il a dit, à l’avant-première de la saison 1 à Hollywood, qu’il rendrait volontiers tous les prix, la célébrité et l’argent qu’il a reçus si, en échange, son livre et cette série pouvaient rester de la pure fantasy. Mais malheureusement, toutes les choses qu’il remarque, non seulement se produisent, mais elles sont de premier ordre. Mais c’est aussi une bonne opportunité de mettre en lumière ces thèmes et de soulever certains sujets sensibles, d’éveiller les consciences. Tant qu’on en parle, on peut espérer éduquer les gens et avancer dans la bonne direction. Mais c’est aussi une série très divertissante qui met l’accent sur des cultures, des religions, des croyances magnifiques.

Emily Browning ⎪ Finalement, je crois que c’est une chance que cette série n’ait pas été faite avant aujourd’hui. Le truc intéressant avec les situations politiques terrifiantes qui ont cours un peu partout, c’est la réponse, l’opposition qui en résulte. Quand les démocrates ont repris la majorité à la Chambre des représentants aux États-Unis, et qu’on a vu cette assemblée qui n’était plus composée quasi exclusivement de vieux hommes blancs, c’était jouissif ! C’est ce genre de réponses qui ont fait, peut-être, que la série existe maintenant dans notre histoire. Il y a une légère hausse de l’intolérance, de la peur des cultures et des croyances des autres. Peut-être qu’en fait, on avait besoin que cette série existe maintenant. C’était le moment.

La saison 2 d’American Gods débarque ce 11 mars, sur Amazon Prime Vidéo, à raison d’un épisode par semaine.